1217 - Sur les guerriers de la paix

N. Lygeros

Si nous envisageons la paix comme un processus instable au sein de la guerre alors l’expression employée par Bernard Kouchner, prend tout son sens. La principale difficulté de la paix, c’est de ne pas être déclarée en tant que véritable guerre qui a de plus la caractéristique d’être asymétrique. Pourtant il s’agit bien d’un combat dont le caractère humanitaire ne représente qu’une infime partie. L’introduction de la notion de droit d’ingérence sur le plan international est sans aucun doute une des plus grandes réussites de ce combat. Néanmoins ces guerriers de la paix ne sont guère reconnus au niveau national car leur action est essentiellement internationale. En d’autres termes, elle n’est pas locale. Nous pourrions même dire qu’elle est fortement délocalisée. Aussi ses répercussions ne se font sentir qu’à distance. Par conséquent les problèmes logistiques sont inéluctables. Ainsi ces guerriers de la paix sont avant tout et définitivement seuls. Ils vivent au quotidien la nécessité de la solitude. Ils n’existent que dans cet étroit humanisme qui lutte contre l’immensité de l’indifférence et du cynisme de la société. Les guerriers de la paix ne travaillent que pour l’humanité. Ils n’ont dont ni maison ni famille. Ils ne se construisent qu’à l’aide des amis. Ils ne peuvent compter que sur ces derniers. Car ils constituent les premières relations humaines qui définissent la notion d’humanité. Inconnus sans être pour autant anonymes, les travailleurs de l’ombre ne regardent que la lumière. Ils vivent aussi dans le paradoxe d’être purs et de lutter contre la purification ethnique. Conscients que tout n’est pas permis. Ils luttent contre le hasard tels des anges sans ailes devenus des hommes pour aider les hommes. Seulement les gens de l’indifférence ne voient que leur dureté face aux problèmes du monde. Et même si parfois leur efficacité est reconnue ce n’est que pour mieux les accuser et les condamner. Dans ce cadre relativement complexe où même la simplicité est suspecte, il ne reste que la nécessité de lutter pour une guerre sans nom, afin d’aider les peuples à vivre et à ne plus simplement exister. Toute la différence se situe à ce niveau puisque les guerriers de la paix font partie des rares personnes qui vivent réellement dans un monde où les gens se contentent d’exister pour mieux mourir dans le quotidien d’une misère intellectuelle qui se veut compensatrice de tout. Seulement ce tout n’est rien sans la nécessité d’aider.