1257 - Remarques sur le village grec

N. Lygeros

Notre étude intitulée Village grec est avant tout un hommage au cubisme et en particulier au réservoir de Picasso. Cependant il ne s’agit pas d’une vision analytique telle qu’elle est présente dans cette œuvre. Ici le concept est déjà synthétique le village grec n’existe pas en soi. Il est conçu comme une création à partir d’éléments simples. Dans cette approche nous sommes plus près, sur le plan littéraire du moins, de la vision d’Elytis. Le poète fait dans cette dernière un assemblage essentiel qui ne peut être détruit par les occupations successives. Il comporte un élément de résistance qui provient de la singularité des éléments assemblés. Nous retrouvons dans cette idée et même cette mentation, le principe du soleil, de la mer et du ciel. Au bord du ciel et de la mer, le soleil donne naissance à la beauté mais aussi à la douleur. L’existence se retrouve donc dans la combinaison des deux et ce de manière inextricable.

Pour en revenir à notre hommage au cubisme, il est essentiel d’insister sur l’aspect énigmatique de la chose. Cette fois, il ne s’agit pas de réaliser une copie formelle et analytique d’un paysage optiquement accessible. La création est avant tout noétique et elle se construit via une vision fortement géométrique. Dans l’analyse plus formelle des structures utilisées, nous insistons sur le rôle du trapèze qui permet de littéralement écarteler les perspectives afin de montrer de manière effective que le réalisme n’est pas le but de l’étude. En réalité avec les ruptures de perspectives nous cherchons à créer du relief sans nécessairement passer par un point de fuite ou une perspective cavalière. Nous sommes donc à la limite d’une approche déconstructiviste sans pour autant l’être, étant donné l’existence géométrique de la structure.

Un autre point important c’est le choix de la couleur. Celle-ci est bleue non seulement pour rappeler la vision grecque du monde via la mentation d’Elytis mais aussi pour passer en contrepoint par rapport à la notion d’ombre. La couleur ne représente pas l’ombre car celle-ci est tout simplement absente de l’étude. Elle exprime par sa présence la volonté affichée d’exploiter une notion topologique. En effet nous pouvons remarquer que les parties bleues ne sont jamais juxtaposées. De cette façon, il n’y a pas de création de masse sombre même si cette dernière serait bleue. Nous restons donc dans une ambiance résolument lumineuse. Par contre les lignes sont bien marquées afin de symboliser indirectement la présence du soleil.

Globalement la structure représente un assemblage vertical où toutes les sous-structures sont imbriquées comme dans les villages de montagne dans le Pélion mais aussi comme dans les perspectives offertes par les villages de Santorin qui se trouve en bord de cratère. Le manque de place renforce la solidarité de la structure et explique l’esprit du village grec dans son ensemble. L’absence de place à la base explique l’élargissement supérieur comme pour montrer la nécessité de l’accès au ciel. Sans montrer la présence des hommes, via leurs maisons nous voyons leur mentalité et leur soif pour une petite place au soleil.