1450 - Logique de guerre et temps de paix

N. Lygeros

Un des grands principes qui régissent le temps de paix, c’est la logique de guerre. L’exemple naturel de la question orientale qui perturbe l’ensemble de l’Union Européenne est particulièrement révélateur de ce principe. Nous sommes en temps de paix, du moins sur le plan général car au niveau particulier Chypre subit une occupation militaire turque depuis plus de trente ans, pourtant l’ensemble des manœuvres diplomatiques que nous examinons obéit à une logique de guerre. Ceci est clair comme avec le dogme anglais mais surtout avec la politique impérialiste de la Turquie qui exploite la dureté de son régime militaire pour attaquer les pays démocratiques. Ces derniers tentent alors par différents moyens de retrouver un équilibre même si ce dernier n’est constitué que de compromis artificiels. L’exemple le plus récent, c’est celui de la pression exercée sur la France par le Royaume-Uni afin qu’elle cesse de défendre les droits de l’état-membre chypriote même si ceci est vain. Un autre exemple caricatural, c’est celui des transactions diplomatiques effectuées avec l’Autriche afin que celle-ci cesse de demander des changements sur le statut de l’adhésion. Et l’échange proposé, c’est celui de la Croatie. Ainsi l’histoire qui justifie les coalitions entre pays européens, est tout simplement effacée lorsqu’il s’agit des problèmes de la question orientale. C’est une véritable logique de guerre qui permet ce genre de transactions car de ce point de vue, tout est considéré comme une série multiple de fronts. Pourtant le manque de coordination des actions tactiques qui est un défaut stratégique majeur, met en évidence l’incohérence de l’approche. Dans ce cas particulier, le front est explicite puisqu’il existe une différence de nature. De plus, le jeu en contrepoint de la diplomatie britannique était et est tout à fait prévisible. Ainsi l’Union Européenne a les données en main. Il est vrai que les élections allemandes ralentissent l’activation de l’axe franco-allemand qui ne peut de ce fait renforcer immédiatement la position courageuse de l’Autriche. Mais peu à peu l’ensemble du dispositif se met en place au profit de la pensée européenne. Les alliances se forment et se stabilisent car les états-membres sont désormais tous conscients de la gravité de la situation. L’Union Européenne traite avec un état candidat qui n’a rien de démocratique quant à sa façon d’intervenir. Ses méthodes sont à présent connues de tous et elles n’influencent que ceux qui le veulent bien. Il y a bien des tentatives d’accuser l’Union Européenne d’avoir intégré Chypre malgré l’absence d’une résolution du problème mais tout le monde sait bien que cela représente une victoire contre l’autoritarisme aussi il n’existe pas d’éloge plus flatteur. Le temps de la diplomatie a transformé le temps de paix en logique de guerre, car l’Union Européenne doit se défendre contre un adversaire qui se moque bien des principes.