1598 - Notes léonardiennes sur la musique

N. Lygeros

Dans le Codice Atlantico (382 v.a.) nous trouvons cette note tout à fait caractéristique de l’esprit de Leonardo da Vinci.

« La musique souffre de deux maux, l’un mortel, l’autre épuisant. Le mortel est toujours inséparable de l’instant qui suit celui où elle s’exprime, l’épuisant est dans sa répétition et la fait méprisable et vile. »

Il est nécessaire de mentionner le fait que ceci n’a de sens qu’à une époque où il est inconcevable d’enregistrer un morceau de musique. Ainsi l’oxymore n’est que contextuel et non factuel. De plus avec la création de la notion de musique répétitive la note devient seulement historique. Elle est donc en premier lieu révélatrice de son époque. Néanmoins, c’est bien à Leonardo da Vinci que nous devons la synthèse de ces deux thèmes opposés qui mettent en évidence un effet de bord. Par ailleurs comme l’indique la note suivante (C.A. 271 v.a.) Leonardo da Vinci se trouve déjà dans le cadre du générateur musical.

« A l’aide de ce moulin je tirerai des sons incessants de toutes sortes d’instruments qui résonneront aussi longtemps que marchera le moulin. »

Cela n’a en réalité rien de surprenant dans le sens où cette idée est similaire à celle de l’horloge. Or dès 1335, à Milan, l’horloge de Saint-Gothard était admirée de tous. En 1344, Jacopo Dondi construisit une horloge pour Padoue. En 1364, Giovanni Dondi, le fils de Jacopo, acheva l’horloge de Pavie en laiton en cuivre. De plus Ludovic Sforza avait remplacé un bouton de costume par une petite horloge ou montre et ce, dès 1488. Son ressort moteur, enroulé dans une boîte ou barillet, tirait en se désarmant, la corde à boyau enroulée préalablement sur la fusée. Aussi il n’est guère surprenant que Leonardo da Vinci ait pensé au moulin comme générateur de sons. Seulement sa pensée est encore plus précise comme le montre cette note extraite des manuscrits Arundel n° 263 (British Museum).

« Ici tu fais une roue avec des tuyaux servant de claquet pour le cycle musical appelé Canon, et qui est chanté en quatre parties, chaque chanteur chantant le cycle entier. Voilà pourquoi je fais ici une roue à quatre dents, chacune pour la partie d’un chanteur. »

Nous remarquons ainsi que Leonardo da Vinci exploite les maux dont souffre la musique puisqu’il utilise la répétition dans le canon afin de la rendre immortelle via le moulin de sa conception. Il montre de cette manière que l’oxymore via le raisonnement non uniforme, peut devenir un paradoxe dynamique capable d’engendrer. La création via l’art provient aussi du paradoxe à l’instar du contrepoint par rapport à la ligne mélodique. Grâce à une observation méticuleuse comme le prouve la note du manuscrit B de la bibliothèque de l’Institut de France.

« Ceci indique comment se meut l’archet du joueur de viole, si tu fais des crans de la roue de deux grandeurs différentes, de façon qu’une série de dents soit plus petite que l’autre et qu’elles ne se rencontrent pas, l’archet aura un mouvement égal, sinon il ira par saccades. Mais si tu le fais de la façon que j’ai dite, le pignon aura toujours un mouvement égal. »