4556 - Sur l’insurgé arménien

N. Lygeros

Dans la mémoire collective, nous sommes sélectifs sans forcément nous rendre compte que ce sont les circonstances qui ont choisi et non les hommes. Nous acceptons la différence sans comprendre à quoi elle est due. La reconnaissance internationale et la pénalisation de la négation de la Shoah, nous incite à voir une différence avec les autres génocides alors qu’il s’agit d’un exemple à suivre. La différence provient de l’inertie sociale et non de la réalité humaine. Les crimes hitlériens et les crimes kémalistes sont du même genre. Ce sont des crimes contre l’humanité et rien ne peut les distinguer. Ils sont tous les deux fondés sur l’utilisation systématique de la barbarie à l’encontre de l’humanité des innocents. Cependant c’est aux justes qu’il revient de le démontrer. Car la société de l’oubli et de l’indifférence ne fera rien dans cette direction. C’est la conscience de ce point qui incite l’arménien à s’insurger. Car il ne peut accepter ce consensus manufacturé comme dirait Noam Chomsky. Nous savons tous que malgré le retentissant procès de Nuremberg, de nombreux criminels nazis s’étaient enfuis en Amérique du Sud en changeant leur identité. Cette réalité a été vulgarisée auprès du grand public par le fameux film Marathon man. Cependant le point le plus important c’est l’existence de groupes capables de pourchasser et d’intercepter ces criminels malgré leur changement d’identité. La réalité de ces groupes est désormais indiscutable et notre propos n’est pas de chercher à mettre en évidence leur structure interne mais leur capacité à s’insurger devant l’injustice commise envers l’humanité. Selon un procédé analogue, vulgarisé par le non moins fameux film Ararat, les Arméniens agirent de même mais à plus petite échelle. Cette insurrection humaine même si elle est répréhensible en termes de droit de la société, est compréhensible sur le plan humain. L’immunité indécente des criminels kémalistes et néo-turcs, rendait insupportable l’acceptation de l’injustice commise, parce qu’un crime sans châtiment n’a pas de réalité criminelle. Aussi il n’existe pas de facto en raison de sa non reconnaissance de jure. Le changement de phase proprement dit n’a eu lieu que lorsque ces groupes sont passés à l’action malgré l’autorité et la suprématie de régimes turcs responsables d’un véritable génocide de la mémoire. Certes la réaction de la communauté internationale a été négative comme il se doit. Seulement le message est passé. La même communauté internationale ne pouvait plus considérer le peuple arménien comme incapable de défendre sa mémoire malgré l’injustice de la société. En d’autres termes, cette insurrection interdite sur le plan légal a porté ses fruits et l’évolution de la reconnaissance du génocide des Arméniens n’y est pas étrangère. Le message est donc clair. La reconnaissance est désormais la seule voie à suivre car le refus brutal de la justice engendrera une insurrection humaine.