465 - Des systèmes coopératifs à l’alliance stratégique

N. Lygeros

Dans le cadre des recherches cognitives, il est démontrable qu’un groupe est plus puissant qu’un ensemble. Sa puissance provient non seulement de la puissance de ses constituants mais surtout de l’effet de la synergie portée par sa structure qui s’appuie sur les relations et les singularités. Les éléments du groupe étant considérés à juste titre comme élémentaires, il est naturel de se poser la question de leur transposition i.e. quid du groupe lorsque les éléments sont eux-mêmes des groupes ? C’est ainsi que nous sommes naturellement conduit aux systèmes coopératifs qui sont pour ainsi dire gérés par des méta-règles à l’instar des règles pour les groupes telles qu’elles sont développées dans la théorie des jeux. Bien que cela soit une généralisation il y a préservation de la structure. En d’autres termes, tout fonctionne en interne même si cela est réalisable à différentes échelles.
Cependant si nous transposons le schéma mental de la théorie de motifs de Grothendieck dans un cadre méta-heuristique comme nous l’avons fait dans un précédent article alors il est possible d’envisager une action externe. C’est justement à travers ce concept que nous voulons interpréter l’alliance stratégique après avoir présenté ses caractéristiques essentielles. Une alliance stratégique se définit comme un accord passé entre deux partenaires ou plus, concurrents direct ou non dans le but de maintenir ou renforcer la compétitivité des parties contractantes. Les avantages attendus d’une alliance stratégique sont multiples. Il y a tout d’abord le partage des coûts de recherche et développement, ensuite un accès plus rapide à la globalisation et enfin une souplesse et une autonomie indéniable. Quant à ses formes, elles sont aussi diverses que les motivations des partenaires. Il peut s’agir d’une alliance sur un produit commun ou d’une alliance sur un composant ou un semi-produit ; mais aussi dans un tout autre registre, d’une alliance fondée sur l’échange.
L’apport de l’alliance qui concerne notre propos c’est celui de l’action extérieure. En effet, dans tous les autres cas il est possible d’établir un isomorphisme théorique avec les notions d’absorption, d’acquisition ou de fusion. En d’autres termes, le système est coopératif et ne se modifie qu’intérieurement même si cela est global. Tandis qu’avec l’action extérieure, même si celle-ci peut n’être que locale en tant que résultat change la structure sans en changer radicalement ses constituants. Elle peut aussi prendre une forme holistique à l’instar de l’idée transposée de Grothendieck avec les modifications structurelles à peine perceptibles localement.

Le point essentiel à l’existence de cet apport de l’alliance stratégique, c’est la conscience de l’impossibilité pratique voire même théorique pour chacun des constituants (i.e. partenaires de l’alliance) d’atteindre un objectif donné. Mais malgré l’aspect utopique de celui-ci via cette approche de l’action extérieure, il devient un élément catalytique du point de vue stratégique. Il ne s’agit plus de l’atteindre d’une seule manière directe mais de plusieurs manières indirectes i.e. en réseau polytopique. Du point de vue structurel, nous avons donc un élément extérieur non dépendant d’un élément particulier de la structure initiale mais dépendant holistiquement de l’ensemble des constituants. Sans l’alliance stratégique, il ne pouvait exister et engendrer via son existence, celle d’une super-structure émergente. Ainsi l’alliance stratégique permet non seulement la réalisation pratique d’un impossible théorique, mais surtout grâce à l’action extérieure qu’il représente, la possibilité de définir un objectif a priori utopique comme un élément catalytique d’une transformation réelle. C’est en cela qu’il constitue une création radicale.