707 - Considérations sur l’acquisition de la chaîne verbale numérique

N. Lygeros

A partir des travaux de Briars, Fuson et Richards qui datent de 1982, il est volontiers admis que l’acquisition de la chaîne verbale numérique passe par cinq niveaux successifs. Au premier niveau, la chaîne verbale numérique est considérée comme un chapelet et est récitée comme tel. Dans ce niveau, les nombres sont indissociables les uns des autres. Aussi l’enfant ne peut à ce niveau entreprendre sa récitation à partir d’un nombre quelconque. Tout commence au début, c’est le point de référence absolu. Au second niveau, la chaîne verbale numérique devient une chaîne insécable mais dans laquelle les noms de chacune de ses parties s’individualisent et permettent l’activation du principe de correspondance. Malgré cela, le repère de l’enfant est toujours absolu. Ce n’est qu’au troisième niveau, lorsque la chaîne verbale numérique devient sécable et que les nombres ont un sens intrinsèque, que l’enfant peut débuter le comptage à partir d’un nombre quelconque. Cette fois, son repère est relatif bien qu’encore directionnel. Au quatrième niveau, chaîne verbale numérique devient chaîne numérale et peut donc être utilisée pour additionner et soustraire sans que cela ne nécessite une abstraction de la part de l’enfant. Enfin, au cinquième niveau, la chaîne verbale numérique devient chaîne bidirectionnelle et permet donc le comptage à rebours.
Cependant, notre propre expérience dans les écoles maternelles en Grèce et à Chypre, mais aussi auprès d’enfants surdoués, nous a permis de constater quelques divergences et surtout d’autres possibilités d’enseigner. Nous avons donc pu constater que certains élèves éprouvent des difficultés pour calculer directement le successeur d’un nombre donné et qu’ils sont obligés de recourir à un repère absolu i.e. ils recommencent toutes leurs opérations à partir de l’unité ou du zéro selon les établissements et les habitudes du pays. Par conséquent, au fur et à mesure que les nombres s’éloignent du commencement, ces élèves sont de plus en plus lents à répondre. Nous avons donc proposé aux enseignants d’exploiter le repère relatif afin d’éliminer rapidement les effets secondaires de l’utilisation du repère absolu. Malgré certaines réticences compréhensibles, nous avons adapté cette méthodologie à certains élèves en difficultés et il s’est avéré que la notion de successeur qui est essentiellement une notion locale devient plus naturelle. L’impossibilité d’utiliser un modèle stable engendre chez l’élève la nécessité de se débrouiller autrement. C’est pour cette raison que nous pensons que pour les enfants surdoués il est plus adéquat de leur enseigner directement cette perturbation de la stabilité afin de les placer directement dans un cadre de raisonnement non uniforme. Car nous avons constaté que cela non seulement n’affecte pas la compréhension mais facilite les opérations ultérieures. Ainsi nous pensons qu’il est préférable, du point de vue didactique et cognitif, de ne pas considérer les cinq niveaux décrits comme successifs mais comme complémentaires de la même structure, à savoir le schéma mental de l’acquisition de la chaîne verbale numérique, sans que cette ouverture soit par nécessité appliquée à l’ensemble des élèves.