907 - Sur le statut du maître de justice

N. Lygeros

Il est intéressant de voir les points d’achoppement des religions monothéistes comme des singularités qui caractérisent l’ensemble de la structure théologique considérée. L’un d’entre eux c’est le statut du maître de justice comme il est mentionné dans les manuscrits de la Mer Morte. Bien sûr certains spécialistes se posent la question de l’identification avec le personnage de Jésus-Christ, d’autres remettent en cause son existence même, d’autres enfin dénigrent son aspect divin afin d’asseoir plus aisément leurs bases religieuses. Pour notre part, le fait même qu’il existe un tel point de bifurcation au sein de ces théories contradictoires, rend encore plus remarquable son ontologie.

Certains spécialistes dans le but d’amoindrir l’apport du christianisme afin de le différencier du complexe judéo-chrétien mettent en évidence le fait que ses emprunts au monde païen sont si importants qu’il est difficile de percevoir son originalité. Cependant cette approche qui s’appuie de toute manière sur l’existence du syncrétisme ne met en évidence finalement que la continuation de schémas mentaux qui traversent les modes religieuses ponctuelles. L’explicitation des racines d’une religion ne peut affaiblir la valeur de celle-ci.

D’autres spécialistes comme nous l’avons mentionné précédemment tentent d’extirper l’aspect divin de Jésus-Christ puisqu’il s’agit d’une attaque théologique naturelle. Par ce biais, ils mettent en évidence le problème du modèle dans les religions qui lui attribuent ce caractère. En effet, celles-ci en mettant en exergue son aspect divin interdisent son utilisation en tant que modèle puisqu’il demeure inaccessible à toute approche humaine. Sa perfection devient alors un obstacle pour le disciple. En dénigrant cet aspect divin, les spécialistes soulignent l’humanité de Jésus-Christ et même si en cela ils sont hérétiques pour le dogme officiel, ils mettent à mal l’obstacle de la perfection et facilitent la voie des disciples en proposant un modèle humain.

Si nous projetons la structure théologique considérée dans l’assemblage des mythes alors nous voyons que le motif du sacrifice de l’humain pour l’humanité en tant que schéma mental d’humanité caractérise le summum que l’on puisse associer à un être humain. Dans ce sens le fait que l’on ne naît pas homme mais qu’on le devient est plus clair puisque une fois généralisé il apparaît en tant que structure de l’humanité. Il est d’ailleurs préférable de considérer l’humanité comme un produit extérieur à l’humain qui permet d’atteindre ce que nous nommons l’humanité. Aussi dans ce cadre, le statut du maître de justice acquiert une fonction téléologique puisqu’il permet de mettre en évidence la superstructure de l’humanité.

Ainsi il est fascinant de constater que les attaques subies par le maître de justice, une fois réinterprétées dans un cadre plus général et non ponctuel ou local, n’ont pour effet que de renforcer son statut de singularité. Même si son enseignement n’est pas compris par l’ensemble, il n’en demeure pas moins important pour les initiés. Quant aux spécialistes malgré leurs efforts et parfois en raison de leurs efforts, ils doivent se contenter d’accepter cette singularité comme un fait, comme un axiome puisque leurs théories s’effondrent dès qu’elles tentent de remettre en question sa nature. C’est en ce sens que le statut du maître de justice est suffisant à lui-même.