961 - Du dilemme au théorème

N. Lygeros

Un des problèmes les plus classiques de la théorie des jeux, c’est celui de Tucker : “Prisoner’s Dilemma” qui peut être aussi posé selon sa forme généralisée, à savoir celle de Hardin : “Tragedy of the Commons”. Il permet, entre autres, de remettre en question le dénommé “Sure-thing Principle” et de mettre en évidence la divergence qui existe entre la rationalité collective et individuelle. Cependant lorsqu’il est transformé afin de pouvoir être répété, il acquiert une dynamique qui est révélatrice d’un schéma mental plus profond à travers les travaux de Chammah et Rapoport. En effet, c’est seulement dans ce cadre que nous pouvons explicitement découvrir l’efficacité de la stratégie Tit-for-tat. Celle-ci montre d’une part la difficulté qu’éprouvent certaines personnes à se rendre compte qu’elle joue contre elle-même avec un décalage temporel et d’autre part que le comportement des autres est largement influencé par le comportement du sujet qui joue le rôle central. Le plus intéressant pour notre part provient surtout du fait qu’il existe une tendance altruistique malgré l’existence d’un raisonnement stratégique strict qui prouve l’incohérence stratégique de celle-ci lorsque le nombre de parties est connu par les joueurs. L’approche empirique de Axelrod est tout à fait révélatrice à ce sujet. De manière plus générale, les stratégies qui sont évolutionnairement stables et qui englobent la stratégie Tit-for-Tat, lorsqu’elles sont placées dans un contexte où il y a la possibilité d’avoir des stratégies coopératives et des stratégies compétitives alors elles finissent par remplacer les autres. Nous avons donc affaire à un principe qui non seulement va dans le sens de l’altruisme mais qui arrive à le transcender. En effet, les résultats obtenus affirment que ce qui n’était qu’une idée, une simple tendance dans le dilemme initial s’avère être une stratégie efficace et finalement dominante dans un contexte plus large. Elle préconise d’agir comme nous voudrions que les autres agissent avec nous. Il ne s’agit pas simplement d’une forme de mimétisme simpliste mais plutôt de la prise de conscience qu’un choix stratégique pour être valable dans ce type de situation doit être opté par les autres. Seulement ceci n’est possible que lorsqu’il est évolutionnairement stable. Dans ce cas, le modèle stratégique s’étend à l’ensemble de la population. Cela montre aussi qu’il ne s’agit pas seulement d’un choix altruistique. Il peut provenir d’une autre pensée mais qui est nécessairement collective par nature et qui engender de l’altruisme global sans être obligatoirement altruiste au niveau local. La compétitivité est certainement valable et efficace sur une courte échelle de temps dans un milieu cooperative mais si elle obtient un success, elle est imitée et modifie le milieu, elle est donc vouée à l’échec à long terme. Cela prouve donc non seulement que l’altruisme est une force dynamique en tant que mode de pensée mais qu’il peut devenir global sans être nécessairement local.