1003 - Le génie ordinaire des cours

N. Lygeros

« Le mensonge est pour mes Grands une seconde nature. De même qu’ils préfèrent obtenir par la menace ce qu’ils pourraient obtenir par la douceur, ils préfèrent obtenir par l’hypocrisie ce qui leur serait acquis aussi aisément par la franchise : c’est le génie ordinaire des cours. » La Reine morte de Henry de Montherlant.

Lorsque l’on s’occupe des droits de l’homme, il est difficile de ne pas avoir ces phrases de Henry de Montherlant à l’esprit. Car malgré la hauteur de la hiérarchie, la petitesse des hommes demeure intacte. Certains sont capables de bloquer des amendements sur les droits de l’homme afin de gravir un échelon dans le système des informations, d’autres sont capables de tout pour que rien n’aboutisse et pour que le système préserve sa suprématie sur le contrôle de l’homme. Ils sont capables d’effacer les droits de l’homme au profit des droits de douane. Ils quantifient l’inquantifiable. Ils mesurent les incommensurables. Ils comparent les incomparables. Comme si tout se réduisait à une échelle économique. Et dans ce cadre tout est permis pour que l’objectif soit atteint. Peu importe que les droits de l’homme soient bafoués. Peu importe que la nature humaine soit aliénée. L’essentiel est le mensonge car il est l’unique moyen de parvenir à ses fins.
Il suffit de faire un tour au palais des nations unies pour se rendre compte à quel point, les phrases de Henry de Montherlant sont justes. Alors qu’il s’agit spécifiquement d’un endroit consacré aux droits de l’homme, ces derniers ne sont véritablement existants que via les organisations non gouvernementales. Lorsque celles-ci ont le droit à la parole, elles sont systématiquement remises à leur place par un appareil qui se doit de faire bonne figure face aux autres, face à ses semblables. Sa capacité à répondre de manière diplomatique en exploitant toutes les failles de la critique, lui procure le respect des autres. Les critiques qui concernent les doits de l’homme sont analysées et ce, de manière systématique, de manière à les épurer de toute spécificité humaine. Le langage est dénaturé afin de permettre à la justice de se faire. Seulement de quelle justice s’agit-il ?
Le génie ordinaire des cours, c’est ce qui nous gêne lorsqu’il s’agit de prendre une décision fondamentale car elle est révélatrice de notre éthique. Pour le génie ordinaire des cours, les droits de l’homme ne représentent qu’un vice de forme comme un autre car l’éthique n’existe pas. Dans cette cour, elle semble n’être qu’un luxe superfétatoire. A croire que tous ces Grands comme dirait Ferrante dans La Reine morte, aient oublié que leur premier rôle, leur première fonction, c’est celle d’être des hommes, des hommes d’humanité, des hommes de l’Humanité.