1035 - De l’incertitude à la variable aléatoire

N. Lygeros

Dans le cadre de l’étude d’un problème qui comporte une incertitude intrinsèque, il est opportun d’avoir une approche qui exploite la notion de variable aléatoire puisque les propriétés probabilistes de celles-ci permettent de connaître les caractéristiques du type espérance, variance et covariance. Ainsi dans le domaine économique cette approche est particulièrement efficace au niveau local comme le montre le paradigme de la gestion d’un portefeuille.

Un portefeuille peut être considéré comme un ensemble fractionné dont chaque fraction est affectée d’un poids. Comme l’espérance est linéaire, l’espérance du portefeuille est égale à la somme pondérée des fractions. Quant à la variance, elle est égale à la double somme des covariances pondérées. Via ces informations il est élémentaire de construire avec le diagramme de la moyenne et de la déviation, la région faisable. Celle-ci a pour caractéristique d’être d’un seul tenant sans trou et convexe du côté gauche du diagramme. En combinant cette propriété avec l’aversion du risque, il est naturel de considérer la partie supérieure gauche qui est dénommée frontière efficace. Cela permet de traiter le problème de Markowitz via le formalisme lagrangien afin de trouver le point qui minimise la variance. Ce problème a des contraintes linéaires sur des objets quadratiques aussi il n’est résolu de manière formelle que lorsque les échanges rapides sont autorisés. Dans ce cadre, il est possible d’exhiber un théorème fondamental dans la théorie de la gestion d’un portefeuille. En réalité, mathématiquement parlant, il ne s’agit que de la construction d’une base à deux éléments qui permet de décrire toute combinaison de fractions pondérées. Ainsi un investisseur qui recherche un portefeuille efficace peut se contenter d’investir dans uniquement deux fonds de placements efficaces. Une autre application de ce théorème est possible lorsqu’il y a une intervention d’une obligation. Dans ce cas la frontière efficace devient une ligne droite tangente à la région faisable et passant par le point qui représente l’obligation. Le point de tangence est simplement la solution d’un problème de l’optimisation élémentaire puisqu’il s’agit de maximiser l’angle de la tangente.

Cet exemple concret de la gestion d’un portefeuille montre la puissance de la notion de variable aléatoire dans le contexte économique où l’incertitude est une donnée de base. Cette approche est puissante en raison de la connaissance et de l’acceptation de ses limites. En effet, face au problème de l’incertitude, l’approche la plus efficace ne consiste pas à rechercher une amélioration locale des calculs pour parvenir à une plus grande précision qui ne peut de toute manière n’être que d’ordre fini, mais le choix de l’ignorance totale et le traitement du cas général qui contient toutes les possibilités. Cette fois ce sont des propriétés globales qui sont recherchées afin d’obtenir un ensemble non seulement robuste mais stable sous l’action de la variable aléatoire. Via ce procédé nous retrouvons le même schéma mental que celui qui est utilisé dans la théorie des fonctions hypergéométriques par l’algorithme de Sister Celine. Cela montre qu’il est parfois préférable de ne pas tenir compte de l’information lorsque celle-ci n’est pas certaine afin de la cerner de manière indirecte via un formalisme global.