1317 - Remarques sur le village du désert

N. Lygeros

De construction abstraite, le village du désert se veut une démonstration de l’approche de Brooks en architecture globale. Le motif de base est toujours le même, à savoir – un segment unitaire, un segment orthogonal et un triple segment parallèle. L’ensemble du village du désert est construit à partir de cet élément élémentaire disposé dans les quatre directions cardinales du plan. Elémentaire en soi, ce motif peut aisément engendrer de la complexité structurelle via une construction basée sur l’assemblage. Sans fixer l’objectif global, l’approche de Brooks qu’il a développée en robotique permet de mettre en évidence un épiphénomène qui détient le contrôle de la structure a posteriori. Les angles normalisés proviennent eux aussi de la contrainte combinée de la structure élémentaire et de l’accès à la troisième dimension. De cette manière, nous avons la création de volumes mitoyens qui organise peu à peu une vision holistique. L’image ainsi obtenue, une fois analysée ne donne aucune information car les éléments de construction sont par définition élémentaires.

Le traitement de la couleur se veut symbolique. L’équivalent des toits des maisons du village du désert est systématiquement paré de bleu. Cela permet de faire une triple référence. Tout d’abord aux hommes bleus, ensuite au ciel qui écrase les toits et enfin à l’absence de la mer qui provoque indirectement la soif du désert. La présence de ce dernier est accentuée par l’utilisation de la sanguine afin de retrouver l’ocre de la rose des sables. Quant à la combinaison des rares bleus avec la sanguine, elle permet de faire une allusion à la rareté de l’ombre.

L’aspect fondamentalement humain du village du désert est représenté par la porte. Celle-ci répétée à plusieurs endroits et de nombreuses fois, explicite la présence des hommes invisibles et l’intimité de leurs relations. Le caractère compact de l’ensemble donne l’impression d’un repli sur soi. Tout s’organise en fonction du village mais en réaction à la présence du désert qui n’est pas visible sur l’étude.

Le village n’est pas réel car il se veut universel. Il représente l’idée du village dans ce contexte extrême où l’homme n’a que peu de place pour vivre comme s’il n’avait que le droit de survivre. Il s’agit donc d’une référence implicite à l’œuvre Les Condamnés à vivre qui est un hommage à l’histoire des Pieds-Noirs. L’approche est radicalement différente mais elle a le même but. Elle montre ainsi l’universalité de ce drame. L’abstraction n’entame pas les sentiments que l’on peut éprouver face à la douleur de cette épreuve. Au contraire, elle concentre toute l’essence de la souffrance dans une géométrie qui comprend le schéma mental de cette histoire devenue mythe. Ce n’est donc pas une allusion simpliste à une guerre sans nom mais un véritable hommage à un passé qui n’avait pas d’avenir et qui est resté comme un présent. Ce présent, un cadeau qui caractérise désormais des hommes et des femmes. Ils savent ce qui signifie le sable. Ils en connaissent la finesse et la couleur. Une simple référence, même non réaliste suffit à leur rappeler son goût. Ce sable est devenu l’oasis de leurs souvenirs. Chacun d’entre eux est désormais un grain du même sable emporté par un coup de sirocco. C’est à ces hommes et ces femmes qu’est dédié le village du désert.