1655 - Sur le questionnement dans l’enseignement

N. Lygeros

L’enseignement n’est pas simplement la constitution d’un savoir, c’est aussi sa quête et celle-ci passe nécessairement par le questionnement. Car il n’est pas difficile de se rendre compte que l’enseignement tel qu’il est effectué tient plus de la mise en mémoire – et à court terme en plus – que de la compréhension. Car comment comprendre sans s’interroger. Le problème, c’est que même au niveau universitaire, il existe un accord tacite entre l’enseignant et l’enseigné. J’apprendrai ce que tu désires pourvu que tu ne m’interroges pas. Je t’apprendrai ce que tu désires pourvu que tu ne m’interroges pas. Telles sont les clauses du contrat. L’enseignant et l’enseigné acceptent le programme et le suivent à la lettre afin de ne pas remettre en cause quoi que ce soit. Dans ce cadre, il n’est pas étonnant de constater avec quelle véhémence sont réfutées les moindres interrogations sur le contenu. L’ensemble des échanges ne concerne que le contenant. Tout se concentre sur le paraître et non sur l’être car ce dernier n’a de valeur que pour l’humanité et non pour la société. Le questionnement sur le contenu est non seulement considéré comme hors contexte mais de plus inconvenant. Car ce questionnement remet en cause toute la structure institutionnelle qui considère que son œuvre est parfaite.

Néanmoins, la recherche nous offre d’autres modèles, hautement révolutionnaires pour les données sociales et pour l’enseignement dans sa forme traditionnelle. Or ces modèles sont toujours basés sur le questionnement et la remise en cause des données. L’axiomatique libérée par le théorème de Gödel permet de traiter des problèmes complexes qui sont tout simplement inaccessibles sans questionnement. L’esprit dynamique de celui-ci est mis à contribution pour faire évoluer l’ensemble de la structure considérée. Nous avons donc un enchaînement de contributions de type Popper, Lakatos et Kuhn, qui contribue grandement à la structuration des données du monde mais aussi de l’abstraction elle-même. Ainsi la perception du monde n’est pas simplement une présentation mais une véritable représentation. Le monde est repensé et non uniquement admiré de manière passive. Il ne s’agit pas d’imiter un savoir figé qui serait le résultat d’un processus naturel mais de partir à la quête d’un savoir tout en réalisant que cette quête est encore plus importante. Car la méthodologie nous apporte plus que le résultat final. Ce dernier, par définition statique, représente un aboutissement qui engendre un paradoxe terminal. Il est nécessaire de l’atteindre autrement pour pouvoir le dépasser et même le transcender. Or l’unique manière de le faire c’est encore d’exploiter le principe du questionnement.

Même si l’enseignement est par définition plus stable que la recherche proprement dite, il ne constitue pas moins un processus évolutif qui dépend grandement des révolutions de celle-ci. Aussi il est nécessaire de tenir compte du questionnement dans l’enseignement afin que ce dernier conserve en son sein, l’élément moteur du noyau de la recherche sans pour autant absorber toutes les extensions de celle-ci. Le questionnement est donc interprétable comme un schéma mental nécessaire à l’évolution de l’enseignement et donc à son existence.