1744 - Leonardo da Vinci en tant que technologue

N. Lygeros

Il est certes plus aisé de présenter les œuvres de Leonardo da Vinci comme celles d’un technicien cependant nous ne sommes dans le vrai que si nous le considérons comme un technologue. Il est évident que Leonardo da Vinci était un dessinateur habile. Ceci est incontestable. Par contre, il est beaucoup plus difficile de prouver qu’il était un mécanicien adroit. Ceci provient du fait que notre medium principal pour accéder à l’ensemble de son œuvre, ce sont ses carnets et non ses réalisations puisque celles-ci sont extrêmement rares. L’étude de la méthodologie de Leonardo da Vinci permet de constater qu’il s’attachait toujours à observer avec une grande précision le monde. Dans ce cadre, nous pouvons dire que du point de vue cybernétique de la chose, même s’il s’agit d’un anachronisme, Leonardo da Vinci n’hésite pas à utiliser le monde comme son modèle. Ainsi, il ne cherche pas seulement à construire, il veut aussi réparer. Il observe les édifices afin de mettre en évidence des lois ou du moins une introduction à une formulation mathématique. Il se consacre à l’architecture et surtout à sa théorie de deux manières : via un traité sur les causes qui engendrent l’écroulement des murs et un traité sur les moyens d’y remédier. Il s’intéresse à la combinaison du sol et du mur. Il l’aborde comme un système global. Ses recherches sur la stabilité vont dans le sens de la défense de la mémoire. Il étudie les lézardes des murs car il les interprète comme des indices révélateurs non seulement des faiblesses de la construction mais aussi de la puissance de la nature à cet endroit. Comme le précise Bertrand Gille, il examine la résistance des poutres. Il effectue des expériences pour établir des lois de la ligne élastique des poutres, des normes sur le problème de la pression. Plus important encore, il a examiné le problème de la poutre encastrée à un bout et chargée. C’est le fameux problème dit de Galilée. Il calcula la flexion des poutres à section carrée, chargée en leur milieu et montra qu’elle était directement proportionnelle au poids. Il a aussi pénétré la théorie de l’arc et plus généralement le problème de la résistance de la maçonnerie. Il recherche systématiquement des données chiffrées, fait absolument remarquable pour son époque. C’est ainsi qu’il a formulé une loi sur le débit des cours d’eau. Il observe, expérimente à partir d’un modèle et enfin établit des lois ou des schémas de pensée généraux. Du point de vue méthodologique, il se démarque de son époque. Il recherche directement les sources. Il effectue des recoupements avec d’autres écrits ou d’autres chercheurs. Il rationalise les connaissances des techniques. Il tente de faire des synthèses afin de mettre en évidence une vision d’ensemble. Néanmoins sa préoccupation principale, c’est celle de l’efficacité. Il ne recherche pas à réaliser une théorie pour la beauté de l’art. Il faut que sa conception même si elle n’a pas d’équivalent pratique, soit cohérente et robuste. Il n’est pas à la quête de la solution idéale mais de la solution efficace et ce dans un contexte qui peut être extrême.