1871 - La quadrature du cercle et Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Tout d’abord et ce, afin d’éviter tout anachronisme épistémologique, il est important de signaler que Leonardo da Vinci comme l’ensemble de ses contemporains ne sait pas que le problème de la quadrature du cercle est insoluble. L’humanité dans son ensemble devra attendre plusieurs siècles avant de le découvrir. Son point de vue est autre. Nous pourrions dire qu’il est plus dans la lignée d’Archimède. Il ne se consacre pas au problème de la quadrature du cercle en n’utilisant pour sa construction que l’utilisation finie de la règle et du compas. N’étant pas dans le cadre strict, il ne peut être accusé de se tromper. Au contraire en lisant attentivement ce qu’il écrit à ce sujet, nous pouvons mieux comprendre sa vision des choses.

« Ayant montré ci-contre diverses manières de convertir des cercles en carrés – en formant des carrés d’une capacité égale à celle du cercle – et ayant énoncé les règles nécessaires pour continuer ainsi indéfiniment, je commence à présent le livre intitulé « De Ludo Geometrico » et j’indique également la méthode pour procéder à l’infini. »

Les mots de Leonardo da Vinci dans un contexte mathématique sont limpides. Sa « résolution » du problème de la quadrature du cercle est algorithmique. En réalité, elle confirme la découverte des chercheurs allemands qui ont interprété le schéma de l’homme de Vitruve comme la première étape d’un processus qui converge vers la solution à l’infini. Leonardo da Vinci a besoin de l’infini pour résoudre le problème. Il n’est donc pas dans le contexte classique de la règle et du compas. Sans rester dans ce cadre pur, à l’instar de l’ingénieux Archimède, l’ingénieur Leonardo obtient une solution aussi précise que possible en fonction de la précision des instruments mais aussi de la capacité discriminative de l’oeil humain. Il s’agit en somme de mathématiques appliquées dont la base essentielle est la notion d’approximation. C’est aussi pour cette raison que nous considérons que Leonardo da Vinci est dans la continuation de la vision d’Archimède. Pour lui, la résolution approchée avec une précision aussi grande que possible est équivalente à une résolution exacte. Comme le problème de la quadrature du cercle n’a pas de solution exacte, son approche est plus intéressante concrètement parlant car elle n’est pas comparable. Tant que Leonardo da Vinci se place dans un contexte qui est infini, il ne peut être critiqué que du point de vue mathématique. Ainsi en effectuant cette mise au point mathématique, nous évitons de commettre une erreur épistémologique et anachronique. De plus, cette analyse permet de mettre en évidence l’apport de la découverte des chercheurs allemands par rapport à l’homme de Vitruve. Plus globalement, il n’est pas forcément judicieux d’interpréter les schémas de Leonardo da Vinci de façon statique et il est préférable de les voir comme un instant dynamique.