302 - Du drame des êtres au théâtre de la vie

N. Lygeros

Il est difficile d’inclure dans un texte toutes les émotions vécues et celles ressenties à la lecture d’ouvrages importants relatant des évènements historiques. Ce fut pourtant notre but en écrivant des drames comme les démiurges, les chacals, les toques noires et les lumières noires. Tour à tour, hommages, recueillements, prières et lamentations, ces pièces de théâtre sont l’expression d’une nécessité, d’un devoir de mémoire non seulement envers l’histoire des hommes mais surtout envers les sacrifices que furent leurs vies dans ce monde. Que ces sacrifices aient été vains, cela n’a somme toute aucune importance. Leur présence seule dans notre mémoire suffit pour transformer notre vision de l’humanité dans son ensemble. L’écriture de ces oeuvres représente aussi une tentative de faire connaître ces actions et ces actes oubliés ou inconnus. Elles ont été conçues dans un sentiment de partage d’une histoire qui malgré l’injustice des puissants, demeure fondamentale à nos yeux. Quant à leur interprétation, elle appartient à un cadre cognitif plus complexe qui n’intervient dans ces pièces qu’en toile de fond. Ces histoires sont, via ce biais, une manière plus aisée d’aborder une vision philosophique qui suit l’évolution de l’être et du temps, de l’être et du néant, de l’être et du système et qui est basée sur l’impact de l’intelligence dans l’évolution de l’humanité. Même si cela peut sembler, au premier abord, en contradiction avec la présence de l’émotion, après réflexion, il apparaît que cela rejoint les caractéristiques de la pensée qui se construit sur les sentiments et de l’intelligence extrême qui engendre de manière intrinsèque l’altruisme à travers son hypersensibilité. D’ailleurs ces pièces ne sont pas construites seulement sur une structure historique mais avant tout sur des hommes et leurs personnalités; des vies pleines en somme. Car il s’agit de vies mêlées à la terre, à la mémoire, à l’amour et à la mort. Ce sont des modèles pour tout humain qui se considère comme un homme, pour tout être qui sait qu’il ne suffit pas d’exister pour vivre véritablement. A travers la souffrance des textes, nous avons voulu exprimer la douleur qui nous assaille lorsque nous sommes affranchis des contraintes temporelles et que nous revivons pleinement les épreuves de ces vies. Car en pensant à ces êtres rares, nous pensons à l’humanité tout entière.