4451 - Sur l’après du génocide

N. Lygeros

Un génocide est un fait, un fait barbare, mais un fait tout de même. Seulement, qu’en est-il de l’après ? Existe-t-il vraiment ? A-t-il un sens ou est-ce une absurdité humaine ? Toutes ces questions ne sont pas innocentes comme vous vous en doutez ! Elles ont même un objectif précis car nous nous trouvons en France, dans une phase particulière puisque la loi sur le génocide existe au niveau de la reconnaissance mais pas sur le plan de la pénalisation. Ainsi inéluctablement nous nous retrouvons avec des personnes qui hésitent ou même changent de bord car elles ont l’impression que la loi sur la pénalisation représente une entrave à la liberté individuelle. Or ce sont tout simplement des personnes – et non des hommes car ces derniers ne doutent pas face à un crime contre l’humanité – qui ne connaissent pas le processus de réparation. Car la reconnaissance du génocide des Arméniens n’est pas une fin en soi et ne saurait l’être ! Ce n’est qu’une étape, certes importante mais une étape tout de même. Aussi cessons de nous leurrer. La pénalisation, c’est elle qui représente le véritable changement de phase par rapport aux bourreaux. Car cette fois la condamnation de la négation est véritablement appliquée. La reconnaissance est une avancée sur le plan éthique mais elle n’a aucun impact sur le plan légal face à une personne, une institution, ou même un état sans moral qui se moque ouvertement des droits de l’homme. Aucun impact et donc pas de répression ! Cette remarque semble anodine au premier abord mais elle ne l’est pas. Elle implique de manière indirecte que certaines personnes peuvent accepter une reconnaissance sans pour autant le croire vraiment car elles savent qu’il n’y a pas d’impact. Ainsi la pénalisation permet de reconnaître un négationnisme plus sournois qui est prêt à sacrifier le coup de la reconnaissance mais qui est en échec face à la pénalisation. Voilà la problématique réelle de l’après du génocide. Il ne suffit donc pas de reconnaître le génocide pour savoir si oui ou non nous acceptons l’existence du génocide ! Car sans la pénalisation, il ne s’agit que d’une opinion et rien de plus. Or dans l’après génocide, nous n’avons pas besoin de ce genre de nuance sociale. Ce qui importe, c’est la réalité humaine, et celle-ci ne doit pas se transformer en comédie sous prétexte de plaire à la littérature française et au savoir-vivre d’une société de l’oubli et de l’indifférence. Aussi notre lutte ne peut cesser après la reconnaissance et elle n’a pas de sens sans la pénalisation. Posez-vous cette problématique et exploitez ce critère pour reconnaitre les véritables amis de la cause arménienne. Car le crime sans châtiment n’existe pas ! Et non seulement cela, il n’a de plus, jamais existé. Car l’absence de châtiment change la nature même du fait barbare. Sans la condamnation de la barbarie, il n’est plus qu’un fait historique. Prenons garde à ce que la reconnaissance ne soit pas elle aussi réduite à cela, si la loi de la pénalisation ne passe pas.