449 - De l’anti-symétrie au centre du corps des quaternions

N. Lygeros

Dans le corps des quaternions la multiplication est définie de la manière suivante. Soit q=(a,b,c,d) et q’=(a’,b’,c’,d’) deux quaternions alors qq’=(aa’-bb’-cc’-dd’,ab’+ba’+cd’-dc’,ac’+ca’-bd’+db’,da’+ad’+bc’-cb’) et il est simplement calculatoire de voir que ce corps n’est pas commutatif. Aussi il est naturel de s’intéresser à son centre. Celui-ci est défini comme l’ensemble des quaternions qui commutent avec tous les quaternions. Ici encore, une méthode calculatoire directe en exprimant les deux produits et en identifiant les termes, composante par composante, permet de montrer que le centre du corps des quaternions c’est l’ensemble des réels.
Pourtant cette approche malgré son efficacité ne nous apprend rien. D’ailleurs si nous posons les questions qui suivent même à des étudiants qui ont un niveau relativement avancé en mathématiques : Pourquoi le corps des quaternions n’est pas commutatif ? Pourquoi son centre est-il réduit à l’ensemble des réels ? nous n’obtenons guère de réponse voire nous affrontons un mur d’incompréhension. Car ils avancent l’argument sur l’inutilité de ce genre de question puisque nous avons déjà des réponses.

Cependant si nous exploitons l’idée que nous avons développée dans notre article intitulé : Sur le schéma mental d’une démonstration à noyau nous pouvons étudier en profondeur les quaternions tout en restant à un niveau élémentaire. Ici le noyau de la démonstration c’est l’interprétation vectorielle. En effet si nous interprétons un quaternion comme la combinaison d’un scalaire (réel) et d’un vecteur (quaternion pur) à l’instar de l’interprétation classique des complexes, il est alors possible d’exprimer le produit de deux quaternions p=(a,u) et q=(b,v) comme (ab-uv,av+bu+u∧v). Dans ce nouveau cadre interprétatif, il est désormais plus facile de se poser les questions précédentes.

Car si le corps des quaternions n’est pas commutatif cela provient tout simplement de ce que le produit vectoriel qui se trouve dans le second membre n’est pas symétrique alors que tout le reste l’est. De plus considérer le centre du corps des quaternions revient à annuler le produit vectoriel pour toute valeur i.e. l’un des deux vecteurs est nul et donc l’un des deux quaternions est un réel. Ainsi les deux propriétés proviennent directement de celle du produit vectoriel i.e. antisymétrie et annulation.

Enfin toujours avec cette même formule il est possible de surinterpréter la commutativité des complexes puisque cette situation correspond au cas dégénéré où les vecteurs associés aux quaternions sont colinéaires, ce qui a pour conséquence d’annuler le produit vectoriel. Nous voyons donc que l’interprétation vectorielle est non seulement le noyau de la démonstration mais qu’elle comporte en son sein un aspect exégétique irréfutable.