617 - Le conte de la Joie

N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur

Une rose magnifique et un monstre difforme sous l’arbre du soleil.

Rose

Peux-tu écrire quelque chose pour moi ?

Monstre

Ce que tu désires, ma rose…

Rose

Je voudrais quelque chose de gai.

Monstre

Mais je ne sais pas si…

Rose

Toi ? Mais tu écris de manière si belle !

Monstre

Je ne sais pas écrire autrement… Je ne fais aucun effort… Je transcris simplement mes pensées…

Rose

De si belles pensées dans un corps…

Monstre

Si laid…

Rose

Ne dis pas cela… Puisque tu sais combien…

Monstre

Oui, je sais… Seulement c’est la vérité…

Rose

Ne crois pas la vérité… Un temps. Regarde seulement la beauté.

Monstre, en la regardant.

Je ne regarde qu’elle…

Rose

Alors ?

Monstre

Tu désires un sujet particulier ?

Rose

Le sujet ne m’intéresse pas, l’important c’est qu’il soit gai.

Monstre

Bien…

Rose

Tu as déjà pensé à quelque chose ?

Monstre

Je crois que oui…

Rose, impatiente.

Dis moi, dis moi…

Monstre

J’ai honte…

Rose

Mais pourquoi ?

Monstre

Car dans cette histoire je suis beau…

Rose

Elle doit certainement être gaie puisque le début est drôle !

Monstre

Alors écoute mon histoire… J’étais assis sous un arbre…

Rose, en montrant l’arbre.

Comme celui-ci ?

Monstre

Oui, exactement le même ! Il s’asseoit sous l’arbre. J’étais assis ainsi… J’étais silencieux comme la roche et soudain j’ai entendu des enfants crier. Ils jouaient ensemble et ils étaient joyeux jusqu’à ce qu’ils me voient…

Rose

Que s’est-il passé à cet instant ?

Monstre

Ma beauté les a provoqués…

Rose

Cela est vraiment incroyable !

Monstre

Et pourtant ils étaient jaloux de mes habits et ils ont commencé à les déchirer. Un temps. Je les voyais qui riaient et mon âme se réjouissait. Silence. A la fin j’étais nu comme le soleil…

Rose

Quel dommage que je n’ai pas vu la scène ! Et que s’est-il passé ensuite ?

Monstre

Mon corps attira leur attention… Ils ne supportaient pas autant de beauté.

Rose

Cela ne m’est jamais arrivé… Un temps. Et qu’ont-ils fait ?

Monstre

Ils ont commencé à me jeter des pierres…

Rose

Les enfants ?

Monstre

Les enfants ne savent pas…

Rose

C’est exact ! Un temps. Mais toi tu ne parlais pas ?

Monstre

Non, je voulais qu’ils soient heureux… Ils ont donc d’abord ensanglanté le soleil cependant même blessé il était beau. Ils n’arrêtèrent de jeter des pierres que lorsqu’il devint bleu et tomba.

Rose

Tu n’as pas eu mal ?

Monstre

Les héros des contes n’ont jamais mal !

Rose, en riant.

Pendant un instant j’ai oublié que c’était un conte…

Monstre

Avec les paroles tu as oublié ma laideur…

Rose

Tu as raison, je suis idiote… Continue ton conte…

Monstre

Les enfants sont repartis joyeux… Ils avaient laissé derrière eux le soleil bleu, la beauté brisée sous l’arbre qui s’était penché sur moi.

Rose

Je ne savais pas combien coûtait la joie…

Monstre

Personne ne le connaît, c’est pour cela que nous la recherchons !

Rose

Moi je t’ai demandé de la joie et tu m’as donné de l’humanité.

Monstre

Les hommes n’ont rien laissé d’autre aux monstres… Pardon, ma rose !