729 - Le problème éthique de l’enseignement pour enfants handicapés

N. Lygeros

Quelque soit la manière d’aborder l’enseignement spécifique, le problème éthique demeure entier. Dans le cadre normal, même si cette terminologie peut sembler arbitraire, l’enseignement se veut la continuation de l’éducation. Alors que dans le cas d’un enseignement qui s’adresse aux enfants handicapés, il est évident que le problème éthique n’est plus formel mais concret. Sans nécessairement être le résultat d’une idéologie latente, l’enseignement ne peut se libérer de sa fonction palliative du moins en ce qui concerne la société. Cependant n’entre-t-il pas en conflit direct avec ce que nous considérons comme la dignité de l’enfant ? Car de quel droit modifions-nous tout son entourage et son environnement si ce n’est pas celui d’une volonté de normalisation même si c’est dans le bon sens du terme ? Cette intervention voire cette ingérence intellectuelle va-t-elle de soi ? Pour quelle raison l’enfant n’aurait-il pas le droit de refuser cet enseignement ? Et ne faudrait-il pas nous interroger sur sa capacité à le faire ? Dans les situations les plus graves, comment connaître l’opinion de l’enfant sur cette intervention ? L’idée même d’une communication réelle semble utopique alors que penser d’une discussion sur le plan éthique ? Car nous ne pouvons pas seulement nous contenter de considérer que les personnes adéquates ne sont pas celles qui sont concernées par le problème de l’handicap. En effet cette problématique entre dans une catégorie beaucoup plus vaste que celle de la relation entre le patient et le soignant. Tandis que l’enseignement normal peut difficilement être englobé dans celle-ci en raison de l’absence de problème physique ou mental. Aussi en dehors d’une vision qui serait purement comportementaliste, il est nécessaire de poser la question du statut de l’enfant handicapé dans le cadre didactique. Est-il ou pas un individu à part entière avec un sens de la dignité et de la liberté ? Ou devons-nous considérer que ces idées sont inadéquates pour ce genre d’individus ? Notre expérience personnelle auprès des enfants handicapés nous permet de dire qu’il serait tout simplement inhumain de les considérer comme dépourvus de liberté. Leur comportement permet clairement d’identifier leur humanité intrinsèque. Leur caractère est explicite et il s’exprime de manière déterminée par leur volonté. Cette volonté qui peut être positive ou négative selon l’enseignant, est avant tout l’expression de leur existence qui résiste d’une manière ou d’une autre à leur environnement. Il est vrai que nous ne sommes pas entré en contact avec des enfants autistes profonds. En effet, pour cette catégorie spécifique, il faudrait sans doute trouver des arguments plus complexes, si le même point de vue est défendable. Quoiqu’il en soit, les enfants que nous avons rencontrés se comportent à leur manière, d’une façon relativement semblable à celle des autres enfants. Cela ne veut pas dire pour autant que nous les considérons exactement de la même manière ni qu’ils nous perçoivent de la même façon. Leur vision du monde est radicalement différente mais comme l’est celle d’un enfant surdoué. Cette façon latérale de contempler le monde, n’est pas dénuée d’humanité. Elle est certes moins sociale mais c’est sans doute pour cela qu’elle semble encore plus humaine. Les contacts sont plus francs et plus directs sans passer par le filtre du consensus social. Ces enfants ne sont sans doute pas sociaux mais nul ne peut leur retirer leur humanité et via ce biais leur dignité. Ils sont certes incapables d’effectuer certaines tâches qui nous semblent évidentes mais comment être certains que celles-ci représentent une nécessité sur le plan éthique. Nous voyons que le cas des enfants handicapés, loin d’être particulier, montre la nécessité de cette problématique. Car même s’ils ne disposent pas de toutes leurs facultés, en sont-ils pour autant moins humains, ont-ils moins de droits ? Et si nous observons une évolution réelle comme c’est bien souvent le cas sommes-nous certains que celle-ci constitue une sorte de rapprochement de la normale ou simplement le résultat d’un mimétisme consensuel rendu nécessaire par la pression de l’environnement extérieur et en particulier de l’enseignant ? Les enfants handicapés comme les enfants surdoués ne sont pas seulement des cas marginaux, ils représentent des cas extrêmes qui nous apprennent via leur existence la complexité des droits de l’enseignement.