947 - Sur l’humanité du droit d’asile

N. Lygeros

Selon le rapport, en 2003, 21890 Turcs ont présenté des demandes d’asile dans l’Union Européenne des 25, dont 2127 ont été acceptées (à titre de comparaison, au cours de la même année, 3041 Roumains ont présenté des demandes d’asile dont 61 ont été acceptées, tandis que 2427 Bulgares ont demandé l’asile dans l’Union Européenne des 25 dont 8 avec succès). Les nombres en eux-mêmes montrent qu’il existe une différence considérable. L’importance du nombre de demandes d’asile provenant de la Turquie s’explique par la politique de celle-ci à l’égard de la population kurde. Aussi l’espoir de diminution de ce nombre qui est basé sur les réformes politiques en cours, ne peut facilement être considéré comme réalisable. Par ailleurs, le nombre de rejets qui s’explique par des raisons économiques, reste non seulement significatif mais caractérise de manière ponctuelle l’état de l’état candidat. Et comme ce rejet n’appartient pas à la même catégorie, les estimations doivent considérer les paramètres politiques et économiques pour être fiables, cependant sur ces deux points la situation en Turquie est on ne peut plus instable.

Comme il est souligné dans le rapport, quantité de demandeurs d’asile provenant de pays tiers transitent par la Turquie avant de présenter des demandes d’asile dans les Etats membres. Cependant la Turquie applique la restriction géographique à la convention sur les réfugiés puisqu’elle n’accepte que les demandes provenant d’Europe. Elle devrait donc abolir cette restriction et mettre en place un régime de traitement des demandes d’asile respectant les critères et les procédures prévus par la Convention de Genève. Cependant la mise en place d’un tel régime serait coûteuse et pourrait poser le problème du partage de la charge par les Etats membres actuels dans un souci de solidarité avec la Turquie. En retour comme celle-ci serait soumise au règlement du Dublin, le nombre de demandes d’asile à traiter par les états membres actuels de l’Union Européenne serait sensiblement réduit.

C’est ainsi que nous pouvons interpréter le problème des demandes d’asile comme un problème uniquement économique dépourvu de tout caractère humain ce qui représente une contradiction de fait. Cette interprétation se base uniquement sur le nombre et non sur la nature des demandes. C’est dans ce sens que les technocrates peuvent y voir un problème d’investissement à moyen terme. En aidant financièrement la Turquie à organiser un régime de traitement respectant la Convention de Genève, l’Union Européenne n’aurait plus de travail à effectuer. Alors que nous savons que le problème est foncièrement humain, que les valeurs de l’Union Européenne dépassent de loin les standards des autres pays, que la Turquie ne reconnaît aucun des génocides dont elle est responsable, que la Turquie traite le cas des Kurdes avec dureté, il serait tout simplement inhumain de lui attribuer une tâche sous prétexte qu’après un fort investissement elle nous libérerait de nos contraintes.