960 - Le premier expatrié

N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras

Scène 17

Dans l’avenir.

L’enfant aveugle, à l’inconnu.

Prends-moi dans tes bras.

L’inconnu le serre contre lui et lui tient les mains. Ce n’est pas la première fois que je te vois.

Inconnu

Je sais… simplement que les autres…

L’enfant aveugle, en cachette.

Oui, je sais… Ils ne voient pas tout.

L’inconnu sourit et l’enfant aveugle fait de même.

Inconnu

Tu étais très jeune alors…

L’enfant aveugle

Dans les cimetières il n’y a pas d’enfants !

Inconnu

Tu as tout vu.

L’enfant aveugle

Oui… Nul ne fait attention à ce que voient les aveugles.

Inconnu

Les tombes voient seulement la profondeur.

L’enfant aveugle

Comme nous… Un temps. Je savais que tu reviendrais… Un temps.

L’enfant aveugle le serre plus fort. Maintenant je sais que nous ne mourrons pas pour rien.

Inconnu

Hélas, notre heure n’est pas encore venue.

L’enfant aveugle le regarde dans les yeux.

L’enfant aveugle

Ils nous tortureront ?

Fin de l’avenir.

 

A la maison de Maria.

Costas

L’histoire a commencé !

Maria

Mais qui la comprend ?

Costas

Le destin que nous écrivons… Un temps.

Maria

Moi je pensais que c’était écrit.

Costas

Rien n’est écrit. L’histoire nous avait oubliés.

Maria

Nous avons vécu un rêve.

Costas

Un rêve oublié.

Maria

Et maintenant qu’allons-nous devenir ?

Costas

Les cordes du temps…

Maria

Les cordes du temps ?

Costas

Celles-là transcrivent l’histoire.

Maria

Et si nous ne faisons pas partie de l’histoire ?

Costas

Les inconnus ont ouvert les portes.

Maria

Tu n’as pas peur ?

Costas

J’ai peur… Un temps. Seulement maintenant il y a une raison.

Maria

Tandis qu’avant ?

Costas

Nous n’avions rien à perdre. Un temps. Nous n’existions pas.

Maria

Et maintenant que nous existons, est-ce pour mourir ?

Costas

D’autres sont tombés pour douze feuilles, nous nous mourrons pour nos enfants.

Maria

Moi je veux que vive notre histoire même s’il faut mourir pour cette raison.

Costas

L’avenir nous le dira.

Maria

L’important est d’avoir un futur quel qu’il soit.

Costas

Notre histoire est morte dans le passé.

Maria

Donc c’était vrai… Les inconnus ont restauré l’histoire. Tu sais où ils sont maintenant ?

Costas

Là où finit l’histoire.

 

Dans le wagon d’un train. La troupe jette le petit Alexandre. Celui-ci tombe dans les bras de l’inconnu, il est évanoui.

Jacob

Il est vivant ?

Inconnu

Oui, il vit ! Il lui caresse le visage.

L’enfant aveugle

Je veux le tenir moi aussi.

L’enfant aveugle lui touche le visage. Alexandre, Alexandre !

Inconnue

Il faut qu’il se repose.

L’enfant aveugle

Non il faut qu’il vive ! Un temps. Alexandre !

Alexandre ouvre ses yeux et les referme. Il touche le visage de son ami.

Alexandre

Je les ai en moi, ne crains rien !