247 - Prométhée et Athéna
N. Lygeros
Scène IV Choeur |
De tes tortures naquit le remords divin. Chaque nuit une nouvelle douleur chaque jour un nouveau soleil. Tout était passion nécessité avancée et tout devint erreur et colère rouge. Sur le roc de l’exil sur le parthénon de la vérité sur l’aréopage de l’injustice immortel titan tu devins le premier homme. Achille de l’immortalité et de la génération humaine, Ulysse de la titanomachie et du voyage immobile Aux confins de la terre t’exila la colère du pouvoir tomba sur la foudre de la connaissance l’orage de la puissance Tes yeux prirent la couleur du soleil. Enchainé et haï toi, Prométhée, le premier homme tu résolus l’énigme de la flamme toi, Prométhée, le premier homme, tu allumas le crépuscule des dieux en brisant les remparts invisibles de la connaissance. Tout est un. En livrant le combat de la création ton mythe brisa l’éternité. Eté tout blanc ta liaison, hiver tout noir tes liens. Mais ta pensée ne connaît pas de compromis seulement l’audace. La lumière tomba sur cette terre. Et la mer et le ciel s’unirent avec la génération du feu. Ton ombre existe uniquement pour montrer où se trouve ta lumière. Ta passion, la quintessence de l’humanité. Tu illuminas l’océan de l’inconnu et ton noir destin, tu te déchainas dans le désert de la pensée de toutes tes forces et tu créas un phénomène nouveau : le miracle de l’intelligence : l’altruisme ; une autre matière une autre énergie : l’esprit libre. La recherche de la vérité plus précieuse encore que la vérité. Près du soleil dans les hauteurs tu vis uniquement l’essence le sens de la vie et avec tes connaissances tu nous montras que chaque pierre est une idée et chaque marbre une mémoire brisée. Rien n’est oublié par le soleil de la justice Rien n’est craint par l’audace de la grécité. Avec les cendres de la lumière dans le regard tu observas le feu du monde et tu vis dans la mémoire du futur le visage de l’humanité. Notre soleil, si tu n’existais pas, éternelle serait notre nuit. Toi, le premier tu nous appris que chaque histoire des hommes est une colonne unique qui tient une partie de notre commune mémoire. Toi, Socrate de l’audace tu te suicidas d’innombrables fois pour que nous vivions à nouveau chaque instant de notre vie. Car le même instant deux fois ne peut être vécu. Tu nous montras que chaque instant est un morceau d’éternité tandis que l’éternité est seulement instants. Et après le toujours des dieux et le rêve des mortels, après le crépuscule des idoles viendra l’aube des hommes et avec elle le soleil de la justice. Dans le feu du présent tu vis la lumière du futur. Dans le rêve des hommes tu vis l’existence de l’humanité. Prométhée, tu es celui qui n’oublie pas le lendemain, dans le présent occupé, tu es le futur enclavé. |
Scène V Athéna, Prométhée |
Prométhée est désormais libre. Cependant il demeure près du rocher de la légende. Il est libre et pourtant seul. Il contemple le néant immobile tel un voyageur conscient du cycle qu’il vient d’accomplir et de la complexité du dédale de la vie. Sa lumière illumine de sa puissance l’humanité toute entière. Le premier phare éclaire l’océan de la connaissance, plus seul que jamais…
Prométhée
Tu es donc revenue, Athéna ?
Athéna
Jamais je n’aurais pu te quitter, Prométhée. Un temps. Tu sais bien que nos futurs sont liés…
Prométhée
Mais ces liens ne sont pas des chaînes. Silence. Tu seras toujours libre, Athéna.
Athéna
C’est mon amour que je t’ai offert, non ma liberté.
Prométhée
Et je n’ai su t’offrir que mon sacrifice !
Athéna
De tes souffrances sont nés les remords des dieux.
Prométhée
Je n’ai jamais mendié leur pitié !
Athéna
Nul ne peut t’accuser de cela ! Ta vie est un don, tu ne sais pas recevoir, seulement donner.
Prométhée
Et tu es sans doute la seule à le comprendre… Un temps. Héraklès m’a dit…
Athéna, en le coupant.
Ne dis plus rien, mon amour ! Un temps. Tu ne me dois rien, je te dois tout !
Prométhée, en tendant sa main.
C’est pourtant toi qui m’a offert cet anneau de pierre ! Silence. Tu as transformé ma condamnation en pierre précieuse…
Athéna
La valeur de cette pierre n’est rien devant le rocher de ta légende.
Prométhée
Elle représente pourtant son essence pour l’Olympien.
Athéna
Elle n’est cependant que la ruse d’une femme prête à tout pour sauver son amour…
Prométhée
Tu as changé avec le temps… Tu es devenue…
Athéna, en le coupant.
Plus humaine ? Un temps. Ce ne sont pas les treize générations du temps qui m’ont changée. C’est ma rencontre avec le premier homme qui a transformé mon existence. Je ne vis que depuis cet instant et je ne vis que pour cet instant…
Prométhée
L’éphémère est à l’origine de l’éternité de l’instant.
Athéna
Seulement, il aura fallu ton intelligence pour le découvrir. Un temps. Le savoir absolu lui même n’est rien sans l’exégèse du génie.
Prométhée
Ne crains-tu pas que Zeus n’apprenne ta venue dans le Caucase, au bord du ciel et de la mer ?
Athéna
A présent que je connais l’aube, je ne crains plus le crépuscule !
Prométhée
Prends garde, Athéna car le crépuscule des dieux durera encore de nombreux siècles…
Athéna
Depuis cet instant, les siècles ne sont plus rien. J’attendrai l’aube de l’humanité.
Prométhée
Tu ne crains donc plus les mortels : la création de Zeus !
Athéna
Que sont les mortels de Zeus face aux hommes de Prométhée ?
Prométhée
L’ignorance face au savoir de l’ignorance !
Athéna
Non, je ne crains qu’une chose, mon amour : le massacre des innocents. Un temps. Combien de torches devront brûler pour éveiller l’humanité ?
Prométhée, en la prenant dans ses bras.
Chacun de ses feux apportera sa lumière à l’humanité ! Silence. La lumière naîtra du feu.
Athéna
Comment supporter tous ces sacrifices ?
Prométhée
Comme une nécessité ! L’humanité naîtra des cendres de la lumière.
Athéna
Ainsi, ton supplice n’était que le symbole de cette nécessité ?
Prométhée
La première vision de la lutte de la nécessité contre le hasard.
Athéna
Le destin de l’intelligence !
Prométhée
Non, sa légende !
Athéna
Chaque jour passé dans la religion des dieux sera expié par un feu.
Prométhée
Et chaque feu donnera le jour à l’humanité.
Athéna
En nous enfonçant dans la pénombre de la nuit, nous nous approchons du jour où le monde s’éveillera.
Prométhée
Et chacune des beautés brisées par le temps sera l’élément originel de ce nouveau monde.
Athéna
Comme si les dieux étaient nés pour donner vie aux hommes…
Prométhée, en la coupant.
en mourant !
Athéna
Nous sommes nés du désir des hommes de devenir des immortels et nous mourrons afin que les mortels deviennent des hommes.
Prométhée
Que vaut un rêve s’il ne donne pas naissance à la vie ?
Athéna
La vie d’un dieu ! Un temps. Nous ne sommes qu’un immense rêve de l’humanité…
Prométhée
Athéna, tu es le plus beau rêve de ma vie !
Athéna
Seulement j’ai peur que le rêve ne doive cesser. Un temps. J’ai peur…
Prométhée, en la serrant.
C’est de ton rêve qu’est née ma vision !
Athéna
Seulement, le rêve doit mourir pour que ta vision devienne réalité… Je suis le feu de ta lumière.
Prométhée
Alors, Athéna, nous brûlerons ensemble dans la pensée de l’humanité !
Noir.