1169 - Nombre de Betti et invariant de Poincaré

N. Lygeros

Il aurait été difficile à Enrico Betti (1823-1892) de prévoir le nombre d’applications de la notion qui porte désormais son nom. En effet cette notion bien que basique si nous la définissons à la manière de Martin Gardner comme le nombre maximal de coupes possibles sans que la surface coupée perde sa connexité, peut aussi être interprétée de manière plus formelle de la façon suivante. Le nième nombre de Betti est le rang du nième groupe d’homologie d’un espace topologique. Dans ce sens, il est alors naturel de le considérer comme un invariant topologique ainsi que l’a démontré Henri Poincaré puisque les groupes de cohomologie sont invariants. A notre sens une des applications les plus originales si ce n’est fondamentales, c’est l’utilisation du nombre de Betti comme invariant afin d’étendre la formule d’Euler aux espaces de dimensions supérieures. Ainsi cet outil initialement sommaire et intuitif, une fois paré de formalisme adéquat peut devenir très efficace au sens classifiant du terme. Il est vrai que cela n’est pas évident pour des objets classiques et relativement élémentaires puisqu’une partie finie du plan (connexe) et la sphère ont un nombre de Betti égal à zéro ; le cylindre et le ruban de Möbius, un ; le tore et la bouteille de Klein, deux. Malgré tout, ces distinctions par classes sont révélatrices même si le nombre est identique au sein de la classe. De plus, les nombres de Betti permettent de différencier clairement les surfaces orientables, des surfaces non orientables ; sans parler de leur liaison directe avec le genre de la surface. Il semble donc évident désormais qu’une notion élémentaire peut avoir un fort impact en topologie. Est-ce là un signe de son caractère fondamental, cela n’est pas certain. Ce qui est sûr c’est que la topologie qui ne s’attache pas à des considérations strictement géométriques doit nécessairement exploiter des notions qui peuvent être interprétées de manière élémentaire. Nous retrouvons une thématique présente dans la combinatoire où les outils sont essentiellement simples mais nécessitent des manipulations complexes en raison même de leur simplicité. Dans un domaine encore plus proche de la topologie générale, à savoir, la théorie des noeuds cette caractéristique qui mélange simplicité et complexité est omniprésente. Aussi nous pouvons considérer que le nombre de Betti en tant qu’invariant de Poincaré représente effectivement un paradigme. Et c’est en ce sens que nous jugeons qu’il est utile dans les mathématiques cognitives.