1011 - Sur l’importance de la reconnaissance d’un génocide

N. Lygeros

Pour comprendre l’importance de la notion de génocide, il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste de la question. Pour cela, il suffit d’écouter l’histoire. Et pour comprendre l’importance de la reconnaissance d’un génocide, il suffit de relire l’histoire de la Shoah. À partir d’elle tout devient clair et grâce à elle nous pouvons comprendre la politique de certains états quant à l’effacement de toute mémoire via la négation de l’histoire. Lorsque nous mesurons tous les efforts du régime nazi au moment de sa fin, dans le but de faire disparaître toute trace de l’organisation mise en place par l’appareil étatique afin d’éliminer avec le meilleur rendement possible les juifs, comme s’il s’agissait d’usines classiques, nous ne pouvons que comprendre l’importance de la mémoire. Ce système qui s’était si bien mis en place dans sa politique d’extermination, s’est rendu compte de la nécessité de ne pas être accusé par l’histoire via l’intermédiaire de preuves tangibles. C’est aussi pour cette raison qu’il a été et qu’il est encore si difficile de mettre la main et de coincer ces criminels de guerre, ces bourreaux de l’Humanité. Car nous devons prouver chacune de nos affirmations pour qu’elles deviennent des accusations, et pour qu’elles soient écoutées par les gens qui se cantonnent dans leur neutralité artificielle.

C’est en ayant à l’esprit tout cela que nous pouvons comprendre plus aisément la politique de l’appareil étatique turc à l’encontre des Arméniens et du génocide de 1915. Encore de nos jours, le régime actuel vient de voter une loi qui interdit à la population de mentionner le génocide. C’est d’ailleurs dans ce cadre que la mention à un retrait des troupes turques qui occupent l’île de Chypre depuis 1974 a été elle aussi interdite. Ces actes ne sont pas ceux du passé, mais d’un présent qui sous prétexte de couvrir un génocide qui a emporté 1.500.000 âmes, mettent en place un véritable génocide de la mémoire. Aussi nous avons un devoir d’ingérence à effectuer pour défendre les acquis communautaires et les principes qui les régissent. Nous ne pouvons pas accepter cette politique qui outrage la mémoire et l’identité d’un peuple et qui bafoue nos principes les plus élémentaires.

C’est vrai qu’en France, nous avons du mal à nous rendre compte de la situation et du contexte stratégique local de la Turquie, et c’est aussi pour cela que nous voyons toutes ces dérives oratoires. Cependant en France nous avons connu l’invasion, l’occupation, la déportation et le génocide aussi nous sommes armés pour défendre les droits de l’homme. Notre mémoire est encore une blessure ouverte, l’histoire nous a enseigné les malheurs et les souffrances que peut faire subir la barbarie alors nous ne devons pas fermer les yeux et nous désintéresser de la chose. Tout n’est pas équivalent et nous ne pouvons nous permettre d’effacer le passé pour soi disant aller de l’avant. Car celui qui ne tient pas compte du passé est condamné à le revivre. C’est cela que nous devons empêcher en résistant de toutes nos forces.