103 - Structure, relations et singularités

N. Lygeros

Une manière d’aborder un objet complexe c’est de le caractériser par ses singularités, sans pour autant évincer l’aspect auto-référant de cette approche puisque les singularités sont considérées comme telles uniquement en rapport avec leur voisinage (local voir global) ; nous pourrions même dire qu’une singularité hors contexte dégénère du point de vue du sens. Dans ce cadre l’objet complexe est engendré par les singularités et leurs relations. Ces dernières constituant a priori une structure indépendante des premières. La complexité de l’objet est donc due à ces deux entités.
En appliquant ce modèle à l’humanité contemporaine nous pouvons remarquer d’une part que les singularités sont plus facilement localisées qu’auparavant et d’autre part que la structure que constituent leurs relations est dans une phase inflatoire.

En effet cette structure qui était pour ainsi dire inexistante il y a quelques siècles, qui surgissait à travers le temps de façon indéterministe ou plutôt directement liée aux catastrophes naturelles et humaines au point que nous qualifions quelquefois son apparition de renaissance, puis qui émergea à l’époque industrielle grâce à la technique et qui fut par la suite recréée sous la menace du nucléaire, est à présent en train de se développer à travers le réseau. Ce qu’il y a de plus remarquable dans ce phénomène c’est que l’humanité peut consciemment participer à l’élaboration de cette structure. Cette nouvelle possibilité mène l’humanité à une réflexion ontologique.

Le mode opératoire des singularités est avant tout algorithmique. Il semble au premier abord que nous calculons vite ce que nous savons mais l’expérience montre qu’à partir d’une certaine taille de problèmes, il est préférable de recalculer que de mémoriser (cf. les nombres premiers). De plus, et ce, même pour des objets de petite taille mais cependant complexes, il est plus intéressant de savoir refaire une méthode que de se souvenir des résultats. L’algorithme contient une information logique qui disparaît dans le stockage des résultats. C’est pour cette raison que les singularités devront réfléchir sur la nouvelle utilisation de la mémoire par le système de relations. En d’autres termes, la mémoire est un morceau d’humanité dans l’intelligence.

Si nous considérons à présent que le principe de récapitulation qui est valable dans le cadre de l’évolution biologique de l’homme, peut être transposé au cadre de l’évolution intellectuelle de l’homme – Après tout, durant sa vie intellectuelle, l’homme ne retrace-t-il pas le chemin parcouru par l’humanité pour découvrir un nouveau concept, une nouvelle abstraction ? – cette hypothèse nous conduit à penser que la transformation du mode fonctionnel des singularités, en tenant compte de la structure de leurs relations, de part sa parallélisation, constituera une nouvelle classe dans la hiérarchie de la complexité conceptuelle et augmentera du même coup, et ce de façon décisive, la complexité ontologique de l’entité humanité.