10325 - Entretien imaginaire

N. Lygeros

– Vous n’avez de cesse d’écrire.
– Il est vrai.
– Sur un nombre incroyable des sujets.
– Je n’écris pas pour des sujets mais pour des hommes.
– Nous pourrions même affirmer pour des hommes libres.
– C’est le paradoxe.
– Mais aussi sur le malentendu.
– Cela semble inévitable.
– Pour quelle raison ?
– C’est dans la nature de l’absurde.
– Et cela ne vous dérange pas ?
– La connaissance de cet absurde conduit à la liberté de penser.
– Mais cette liberté n’est-elle pas cher payée ?
– Choisir, c’est se priver. Aussi cela représente un coût.
– Et ce coût est-il supportable ?
– Pour des hommes libres, c’est le cas.
– Et pour les autres ?
– Cela représente un interdit social.
– Un interdit, vous dîtes ?
– Parfaitement. C’est d’ailleurs de cette manière qu’elle impose à tous les individus sa suprématie dans le présent.
– Dans le présent ?
– Elle ne peut le faire dans le passé et l’avenir.
– Pour quelle raison ?
– Car là intervient le temps.
– Ce qui signifie ?
– Le temps, c’est le lieu de la résistance.
– Aussi la société s’y brise-t-elle les dents.
– Je ne l’aurais pas mieux dit.
– Ainsi votre écriture a pour objectif d’appartenir au temps.
– C’est ma seule préoccupation.
– Pourquoi donc ?
– Car le temps et l’Humanité sont nos piliers en tant qu’humains.