1091 - Leonardo da Vinci ou le Prométhée de la renaissance
N. Lygeros
Même s’il s’agit d’un truisme que de penser que Leonardo da Vinci représente le Prométhée de la renaissance, il est essentiel de l’écrire. Dans la pensée de da Vinci, il y a l’esprit de Prométhée. Sa position par rapport aux sciences est tout à fait caractéristique. Da Vinci ne les considère pas comme un ensemble d’entités isolées ni comme des connaissances éparses. Pour lui les sciences forment un tout dont le noyau sont les mathématiques. Certains pourront y voir une approche classique néanmoins il ne s’agit pas simplement d’une reproduction du modèle pythagoricien qui demeure abstrait dans le sens où il ne s’est pas concrétisé d’une part par une absence de volonté et d’autre part par l’effondrement de son dogmatisme. Pour da Vinci, l’unification des sciences est une nécessité car il s’agit avant tout de la même matière à penser. Il traverse les frontières conventionnelles pour se consacrer à l’essentiel de la gnose. Il se consacre au domaine où l’unique limite est sa propre intelligence. Aussi il s’appuie sur les mathématiques pour avoir une base de données qui lui permet d’avoir un substrat cognitif. C’est pour cette raison qu’il considère qu’aucune recherche humaine ne peut être nommée science si elle n’exploite pas des preuves mathématiques. Pour da Vinci, les mathématiques sont avant tout une source pour ses modélisations pour l’ensemble des sciences. Et c’est pour cela qu’il place les mathématiques dans le noyau de ses connaissances même si celles-ci semblent ne se regrouper au premier abord que grâce à l’esprit eccléctique de ce collectionneur d’idées. Plusieurs des pages de ces notes sont tout à fait révélatrices à ce sujet. Nous retrouvons aussi cette idée dans sa recherche systématique de l’automatisation dans le domaine de la construction de machines de guerre. Cela peut sembler sans doute anachronique mais il existe bien chez da Vinci une vision cybernétique du monde. Par ailleurs il trouve des lois en optique qui mettent en évidence le caractère mathématique de la nature. Sa recherche toujours étroitement liée à son imagination avait pour objectif l’étude de tout ce qui pouvait aider l’humanité. Cette idée est la ligne directrice de sa pensée et ce à travers toutes ses oeuvres. Ainsi l’ensemble de ses inventions et de ses investigations aborde le monde de cette façon. Via sa remise en cause permanente des données et des informations considérées comme données il effectue des innovations cognitives comme celle de la découverte de la vitesse finie de la lumière. Conscient de la valeur des connaissances antiques et en particulier de celles énoncées par Aristote, il n’en demeure pas moins qu’il expérimente toute idée reçue pour savoir s’il doit l’accepter dans sa propre base de réflexion. Rien n’est évident, tout est à tester. L’évolution de l’humanité ne peut dépendre que de l’impact de ses génies universels et l’archétype de Prométhée est omniprésent dans cette mentation. Da Vinci, conscient de sa valeur, s’efforce par tous les moyens dont il dispose de transformer le monde des connaissances de son époque afin que le futur de l’humanité soit différent d’une simple continuation du passé. La modification du présent et il se sent responsable de tous devant tous à l’instar de Prométhée. La renaissance doit beaucoup au savoir des anciens mais celui-ci ne pouvait être que le substrat d’une nouvelle abduction créative effectuée par des hommes comme da Vinci.