1140 - L’homme qui n’existait pas
N. Lygeros
Un homme est assis à une table dans une pièce où règne le silence. Il tient dans sa main une plume mais il n’écrit plus. La tête penchée sur son manuscrit, il semble préoccupé. Tout à coup, on entend un bruit. Il se relève et regarde la porte qui s’ouvre. Une femme se jette dans ses bras. Elle n’arrive pas à parler. Elle le serre contre elle.
Lucien
Son état est donc si grave ?
Agnès
Il a déjà écrit son testament.
Lucien
Il est donc trop tard…
Agnès
Je le crains !
Lucien
Sais-tu au moins si nous pourrons lui parler ?
Agnès
Personne n’a pu me le dire.
Lucien
Il faut pourtant qu’il sache que nous sommes là.
Agnès
Où sont les autres ?
Lucien
Dans le manoir… Un temps. Ils ont entendu une étrange rumeur.
Agnès, surprise
Quoi donc ?
Lucien
C’était à propos du Maître… Un temps . Certains parlent de son inexistence.
Agnès
Son inexistence ? Je ne comprends pas.
Lucien
Ils disent qu’il s’agit d’une légende.
Agnès
Tout le monde le sait !
Lucien
Non, non, il ne s’agit pas de cela !
Agnès
De quoi alors ?
Lucien
Ils disent qu’un homme tel que lui ne peut exister.
Agnès
C’est tout simplement incroyable !
Lucien
Personne ne peut le voir de près.
Agnès
Cependant les carnets sont des preuves matérielles.
Lucien, dubitatif
Les codes… Silence. Sans les codes, les carnets…
Agnès, en l’interrompant
Que veux-tu dire ? Ils mettent en doute les carnets?
Lucien
Personne ne sait exactement où se trouve l’ensemble des carnets.
Agnès
Mais le Maître ?
Lucien
Le Maître ne se confie plus à personne.
Agnès
Et le traité ?
Lucien
Il ne peut constituer à lui seul la preuve de son existence.
Agnès
Car il est à la portée d’un peintre ?
Lucien
Ce n’est pas le talent qu’ils mettent en doute. Un temps. Celui-ci n’a rien d’exceptionnel. C’est le génie universel qu’ils contestent.
On entend des bruits de pas.
Agnès
Quelqu’un approche… En le fixant du regard. Tu attends quelqu’un ?
Lucien
C’est sans doute Olivier.
Agnès
Olivier est ici ?
Lucien
J’ai pensé que sa présence était indispensable.
Olivier pénètre dans la pièce.
Olivier, en voyant Agnès
Agnès !
Ils s’embrassent.
Toi ici ?
Agnès
Je crois que Lucien a tout organisé.
Olivier
Nous ne serons pas de trop. Un temps. Le nœud se resserre… L’affaire est bien plus complexe.
Lucien
Qu’as-tu appris de nouveau ?
Olivier
Nous ne sommes pas les seuls visiteurs…
Lucien
Pour le Maître ?
Olivier
Non ! Un temps. Pour les carnets.
Agnès
Les carnets ?
Olivier
Certains codes auraient disparu…
Lucien
Déjà ?
Agnès
Comment est-ce possible ?
Olivier
Dans ce manoir tout est possible.
Lucien
Cela va dans le sens de la rumeur…
Olivier
Quelle rumeur ?
Lucien
Celle de l’inexistence du Maître.
Olivier
Absurde !
Lucien
Pourtant en l’occurrence, l’absurde a un sens !
Agnès
Qui a intérêt à faire courir cette rumeur ?
Lucien
Les hommes du pouvoir.
Olivier
Que sais-tu exactement ?
Lucien
Rien de précis… Si ce n’est qu’il se trame un complot.
Agnès
Un complot contre le Maître ?
Lucien
Contre son œuvre…
Olivier
Cela confirme mes informations.
Agnès
Ainsi l’absurde acquiert du sens…
Lucien
Il nous faudra lutter contre le sens de l’absurde.
Olivier
Je n’aurais jamais imaginé la difficulté du travail de copiste …
Lucien
Si nous ne nous étions pas rencontrés.
Agnès
Les codes ne peuvent être simplement copiés.
Lucien
Le Maître a codé la mémoire dans l’oubli.
Agnès
Comme s’il avait su qu’ils viendraient.
Lucien
Il sait !
Agnès
Mais il ne sait pas que nous sommes là !