1161 - Mise en scène d’un duo de fado

N. Lygeros

Pour un duo dont une guitare.

L’interprète à la guitare est assis sur un tabouret. L’autre interprète descend de son tabouret pour se retrouver dos au public en ayant une main posée sur le dossier de son tabouret. Cela permet de considérer ce dernier comme point de référence. Ainsi le duo s’appuie sur la partie musicale pour l’un des interprètes et sur l’image pour l’autre. L’un des interprètes chante la douleur de l’interprète muet qui maintient son talon en suspens pour montrer l’incertitude de son existence. Ensuite ce personnage s’éloigne très lentement vers le fond de la scène. Au bout de quelques pas, l’interprète étend ses bras comme s’il possédait des ailes. En les étendant, il déroule un châle de fado sur soi et en profite pour se refermer en s’enroulant et en baissant la tête pour montrer la douleur de la solitude. Après plusieurs pas accompagnés par la musique de l’autre interprète, le personnage revient très lentement vers le devant de la scène en effectuant une grande diagonale qui lui permet de passer derrière l’interprète qui chante afin que celui-ci en tant que chanteur et médium principal soit seul à son tour à côté de la chaise vide. Enfin après avoir dépassé le personnage chantant, le personnage muet qui aboutit à côté de celui-ci, se place en position trois-quarts afin de lui lancer un regard pour le remercier une fois que l’autre interprète termine son chant et recherche du regard sans se déplacer la figure qu’il a voulu mettre en musique. Le duo se referme sur lui-même avant de se diriger vers le public.

Dans cette mise en scène d’un duo de fado nous voulons exprimer la nécessité du partage de la solitude. Comme si nous ne pouvions être vraiment seuls que lorsque nous sommes deux afin que l’un observe la solitude de l’autre et comprenne encore mieux la sienne. La solitude peut être différente dans sa forme mais elle demeure identique à elle-même quant à sa nature. La séparation de l’image et du son permet de mieux saisir ce contraste d’une part et de renforcer le lien d’amitié qui existe via la complémentarité d’autre part. Cela met indirectement en évidence la solitude vis-à-vis du public puisque ce dernier est pris à témoin. Considéré tout d’abord comme passif face à cette solitude extrême, le public devient peu à peu un interlocuteur muet qui est semblable au personnage muet pour le son et au personnage chantant pour l’image. Ainsi il est à l’intersection de ces deux formes de solitudes qui représentent en fin de compte une mise en scène de sa propre solitude. Le public devient donc un ami dont on aime mentionner le nom à travers le chant muet d’un fado d’antan.