125 - La suite de Douglas Hofstadter : un paradigme de raisonnement non uniforme
N. Lygeros
La suite de Douglas Hofstadter est en quelque sorte une déformation de celle de Fibonacci. Elle représente un cas générique de l’existence d’une relation abstraite entre le futur proche et le passé lointain. A l’encontre de la mentalité engendrée par la théorie des équations différentielles, nous retrouvons dans cette suite un aspect fractal dont la complexité est a priori interprétée comme de l’indéterminisme car ce processus récursif semble avoir un comportement chaotique. Notre but est de montrer que ce processus, finalement déterministe et intelligible, constitue un paradigme de raisonnement non uniforme.
Une des caractéristiques du raisonnement qualifié d’intelligent est la synthèse synchronique de connaissances pour résoudre un problème donné. Il semble que pour des problèmes relativement élémentaires – par exemple des exercices ou des tests rapides – cette caractéristique soit amplement suffisante à leur résolution. Cependant les problèmes réellement difficiles nécessitent quant à eux l’utilisation de la synthèse diachronique. Cette méthode, bien que très coûteuse sur le plan de la mémoire, est indispensable. En effet, seule sa puissance permet non seulement de dépasser les difficultés rencontrées mais surtout de comprendre de manière globale la complexité des problèmes.
Dans ce cadre, tentons d’analyser le caractère surprenant de la résolution rapide d’un problème complexe. Il est évident que ce type de résolution peut provenir d’une connaissance préalable d’un problème et d’une résolution analogues. Excluons donc ce cas de notre étude. Ce choix met d’autant plus en relief le caractère surprenant de la résolution. Avançons alors une explication possible de ce phénomène : la résolution rapide apparaît comme surprenante pour l’observateur du solveur car ce premier effectue une inférence implicite à savoir la continuité du raisonnement dans l’espace cognitif. Cette inférence implique pour l’observateur qu’il n’y a pas de changement de phase essentiel dans le raisonnement du solveur. Ainsi, pour l’observateur, le futur proche du cheminement intellectuel ne saurait dépendre que du présent voire du passé proche. Néanmoins si à présent nous considérons un type de problème dont le modèle heuristique correspond à la suite de Douglas Hofstadter, il est clair que la valeur recherchée à un rang donné ne dépend pas de celles à des rangs immédiatement proches. Dans ce type de problème une connaissance locale s’avère insuffisante aussi seule une synthèse diachronique et donc d’une certaine manière globale, permet la détermination de la valeur recherchée. Et c’est justement cette méthode du solveur qui crée l’effet de surprise chez l’observateur : le solveur n’a pas été localement rapide mais globalement différent, et ce, de manière essentielle.
Ainsi notre paradigme de raisonnement non uniforme montre de façcon explicite que la différence entre un raisonnement basé sur une synthèse diachronique et un autre n’est en aucun cas quantitative mais fondamentalement qualitative. En outre, lorsque le solveur appartient à une des catégories fondamentales (cf. notre article : M-classification) cette différence qualitative change de nature de manière extrême pour aboutir à une notion d’incomparable dans l’espace cognitif.