1273 - La vision européenne du Luxembourg

N. Lygeros

Avec le vote de son parlement en faveur de la ratification du traité établissant la Constitution Européenne, le Luxembourg a clairement affiché sa vision européenne, en tout cas du point de vue institutionnel puisque les 55 parlementaires présents ont voté à l’unanimité. Cela prouve de plus qu’il ne s’agit plus d’une querelle interne de partis. L’ensemble du parlement est tout à fait conscient de l’enjeu du référendum à venir. C’est aussi une façon de réinterpréter la devise nationale à savoir : «Mer welle bleiwen wat mer sinn.» (Nous voulons rester ce que nous sommes.) Car dans ce pays où la langue nationale est le Lëtzebuergesch, où les textes légaux sont rédigés en français et où les langues administratives sont au choix le luxembourgeois, l’allemand ou le français, la notion d’Europe est vécue au quotidien. Il ne s’agit pas d’une abstraction pour le Luxembourg et son peuple. De plus, le pays via sa présidence européenne a su imposer sa vision en ce qui concerne l’Union. Il est vrai que la personnalité de Jean-Claude Juncker n’y est pas pour rien. Il avait déjà auprès de lui de nombreux partisans. Mais avec ses interventions au niveau européen, la reconnaissance de son travail est aussi venue de l’extérieur du Luxembourg. Car cette fois, le pays a acquis une dimension européenne pour l’ensemble de l’Union Européenne et non seulement au niveau national. De plus, le fait d’être le seul état membre de l’Union Européenne à ne pas avoir déplacé son référendum à la suite de la crise française n’est pas seulement un signe d’une volonté mais un symbole d’une vision. Entré dans une mentation véritablement européenne, le Luxembourg ne craint pas d’affronter une opposition populiste dont le but avoué n’est pas de faire évoluer l’Union Européenne via des prétendues transformations de la Constitution Européenne. Le gouvernement luxembourgeois fort de ses acquis en matière de droits est tout à fait conscient de la nécessité d’agir et ce de manière énergique afin de dépasser des difficultés de communication qui ne sont pas insurmontables. L’avantage de la taille du pays, en matière d’information directe, est absolument considérable. Chacun a un accès à l’information essentielle sans devoir la découvrir à travers de nombreux filtres de désinformation. Car même si l’enjeu a les dimensions de l’Europe c’est bien au niveau du Luxembourg que tout le travail devra être effectué. Il ne s’agit plus d’un débat théorique, il s’agit de la réalité européenne. La vision est devenue réalité et cette réalité n’est pas encore robuste. C’est pour cette raison qu’elle subit des attaques locales avant qu’elle puisse se mettre en place. Si l’Union Européenne n’existait pas comment le Luxembourg aurait pu imaginer qu’un jour il présiderait 25 états ? Comment ce petit état enclavé au sein de grandes puissances qui n’a survécu que grâce à sa résistance aurait-il pu se déployer sur un territoire aussi vaste et ce, sans passer par l’intermédiaire d’une guerre ? Le Luxembourg est conscient de tout cela et c’est pour aller dans ce sens qu’il exprime la volonté, le désir et la nécessité de sauvegarder sa propre entité et son avenir au sein de l’Union Européenne. Le Luxembourg n’est pas européen parce que c’est facile mais parce que c’est difficile. Sans cette difficulté, il n’y aurait pas de vision.