1311 - L’acropole mycénienne

N. Lygeros

La civilisation mycénienne nous a laissé des traces, suffisamment pour que nous puissions déchiffrer sa langue que nous nommions linéaire B auparavant. Le mycénien existe désormais. Son vocabulaire est largement étudié et permet de prolonger dans le sens diachronique du terme les études homériques, néanmoins la civilisation elle-même nous est encore et en grande partie inconnue. Cela provient du fait que la langue ne s’est développée que dans un domaine très spécifique et se trouve dépourvue de tout champ. Ce manque provient aussi du faible apport de l’archéologie en raison de l’architecture mycénienne. Il suffit de contempler une seule acropole mycénienne pour comprendre cette difficulté d’ordre architectural. En effet la technique mycénienne quand elle n’utilise pas l’appareil cyclopéen comme à Tirynthe, se contente d’un petit appareil comme à Naoussa de Paros. Dans ce cas, l’érosion et les déplacements dus aux bourrasques sans compter les séismes mettent définitivement à mal ce genre de petites structures. Il est alors encore plus difficile d’imaginer la vie et la société dans ces habitations élémentaires qui ressemblent plus à des bergeries pour les non spécialistes. Pourtant en étant très attentifs à ces petites structures et à leurs détails caractéristiques nous pouvons déchiffrer des informations si ce n’est conceptuelles, du moins fonctionnelles. L’étroitesse des ruelles, l’épaisseur des murs, l’appareil utilisé, les angles obtenus, la hauteur possible, l’absence de toits, le caractère mitoyen de l’ensemble donnent l’image d’une société très renfermée sur elle-même, et pas seulement en raison de la présence du soleil mais surtout de l’ennemi. Tout est structuré en fonction de la présence potentielle de celui-ci. Il correspond à une restriction essentielle en matière de topographie. Malgré les difficultés d’accès, les Mycéniens préfèrent être à l’abri dans les hauteurs, là où ils peuvent dominer l’ensemble de l’environnement local. Même si cela peut sembler quelque peu anachroniques nous avons le sentiment d’observer un village fortifié, ou pour être plus précis et plus historiques et cognitifs, le schéma mental potentiel d’un village fortifié. Dans cet univers clos il est difficile d’imaginer une pensée florissante comme nous avons pu le constater par la suite dans l’histoire de la Grèce. Devons-nous en déduire qu’il était trop tôt pour le développement de la philosophie ou du moins de la littérature ? Aucun texte mycénien n’appartient véritablement à cette catégorie. Alors devons-nous en déduire qu’elles n’existent pas ou qu’elles sont seulement de tradition orale ? Cependant comment comprendre le choix de n’écrire que dans le domaine de la comptabilité ou religieux. Etait-ce pour leur importance ? Etait-ce la culture de ceux à qui ils ont emprunté cette écriture syllabique ? Ou simplement est-ce que ce sont des domaines où l’écriture avait du mal à passer ? Quoi qu’il en soit nous avons des faits archéologiques et historiques, aussi le problème de l’interprétation n’est pas totalement libre, il est contraint mais pas dans ces domaines. Cependant évitons de nous positionner définitivement car il reste encore de nombreuses tablettes à découvrir qui donneront sans doute des éléments nouveaux comme cela a été le cas dans le domaine religieux avec Dionysos.