13134 - Du modèle français à la ZEE grecque (avec P. Gazzano)

P. Gazzano, N. Lygeros

L’étape suivante à la proclamation de la ZEE n’est pas seulement sa délimitation et son exploitation mais aussi sa défense. Elle doit être pensée en amont conjointement avec le processus de la déclaration. La France étant un modèle pour la déclaration et l’exploitation de la ZEE grecque, nous nous devons alors d’étudier si elle peut l’être aussi pour la défense de sa ZEE. La protection du second domaine maritime mondial représente un tel enjeu stratégique qu’une doctrine, à savoir la Sauvegarde Maritime a été publiée, définissant de manière précise et même méticuleuse, les objectifs, les moyens et les interventions de cette action multiple et complexe. Cette doctrine s’articule autour de deux modalités diplomatiques, que nous pouvons aisément transposer en théorie des jeux à la suite de la révolution mathématique de Nash, puisque la théorie des jeux à somme nulle est trop limitée pour englober ce type de dispositif. La première est la diplomatie coercitive, qui conduit à un équilibre de Nash entre les puissances belligérantes. Ceci est par exemple le cas à Tromelin ou dans les Iles Eparses revendiquées par Madagascar, où la marine nationale assure le maintien de la souveraineté française en battant pavillon. Un pays qui serait tenté par une prise par la force de possessions françaises sait que la France a des moyens coercitifs auxquels il ne pourrait résister et qui dans les cas, lui procurerait un coût disproportionné. La France a créé les forces armées de la zone du sud de l’océan Indien (FAZSOI) basées à la Réunion et dont le rôle principale est d’assurer la surveillance de l’immense ZEE des TAAF. La deuxième est la diplomatie coopérative, qui aboutit à un équilibre de Pareto. C’est notamment le cas à Clipperton où la diplomatie coercitive, en raison de l’éloignement, n’est plus envisageable ou plutôt représente un coût délicat. Dans le but d’atténuer les revendications mexicaines et de trouver un compromis entre les deux pays, la France a conclu un accord de coopération avec le Mexique. Il est important de noter que le déploiement de puissance ne se réduit pas à la force maritime, mais exige la combinaison des forces aériennes et navales. Car la troisième dimension est essentielle à cette grande échelle tant sur le plan stratégique que sur les plans, opérationnel et tactique. C’est d’ailleurs la force aérienne qui permet une action directe et rapide, alors que la force navale permet l’action de profondeur dans l’espace et de stabilisation dans le temps. Une analyse plus détaillée montre que la doctrine française et les interventions qui en découlent recouvrent l’ensemble des différentes typologies de diplomatie établies par la théorie comme le démontre de manière explicite l’ouvrage de Hervé Coutau-Bégarie, Le Meilleur des Ambassadeurs. En effet, il présente ainsi un modèle pour la stratégie grecque. Cependant, l’étude comparée révèle deux points fondamentaux de divergence. Le premier est l’absence de territoires d’outre-mer qui garantit à la ZEE grecque sa connexité. Le deuxième est la présence de la Turquie, puissance historiquement hostile. Un autre point important est la position géographique de la Grèce et les connexions avec les autres ZEE apportent une nouvelle donne dans la carte énergétique. Dans cette configuration, il est absolument nécessaire d’identifier les joueurs de nouveau type de jeu plus concentré qui sont au nombre de sept : Albanie, Italie, Chypre, Israel, Egypte, Turquie, Lybie et qui rentrent en jeu de manière diversifiée, afin de déterminer l’application des deux éventualités diplomatiques dans cette configuration qui n’est pas bipolaire.