13292 - Commentaires topostratégiques sur la conférence géostratégique de Coutau-Bégarie. (P. Gazzano).
P. Gazzano, N. Lygeros
L’action stratégique est le résultat d’une dialectique entre les facteurs et les acteurs.
C’est cette dialectique que nous voulons mettre en évidence via la maïeutique afin d’échapper aux pièges de la rhétorique.
Les facteurs qui influencent l’action stratégique sont extrêmement divers. Un seul a donné lieu à la constitution d’une discipline spécifique: l’élément spatial.
Ceci est un point clef dans notre approche puisque c’est justement pour traiter différemment cet élément, réduit habituellement a une géométrique, que nous avons introduit la topologie en stratégie.
Cette discipline s’est appelée la géographie militaire au XIXème siècle, parfois la géographie stratégique. […] Cette approche, de plus en plus dogmatique et de moins en moins militaire s’est finalement révélée stérile et a été abandonnée après la 1ere guerre mondiale.
A la suite, de cette constatation et de cet échec, il est surprenant, de voir encore des tenants de cette tendance, vouloir imposer leur point de vue via une politique journalistique.
La géographie militaire s’est dès lors trouvée concurrencée par une nouvelle discipline qui se voulait plus dynamique: la géostratégie.
Celle-ci donne la part belle à la géométrie de l’espace pour traiter des problèmes stratégiques.
Le concept de géostratégie avait été forgé dès les années 1840, par Durando, mais il n’avait connu aucun succès. Il est redécouvert vers les années 1940 par Cressey dans un but idéologique: il s’agissait de faire pièce à la géopolitique allemande. La géostratégie va progressivement se constituer mais sans continuité et sans jamais acquérir un statut académique. Son épistémologie reste embryonnaire, à peine esquissée.
Encore de nos jours, il est difficile de contester ce point de vue perspicace. Aussi nous devrons en tenir compte aussi dans l’évolution de la topostrategie pour éviter l’absence de formalisme inhérent à l’art de la guerre.
Pourquoi cet intérêt pour le facteur géographique ? Dès lors que toute stratégie se déploie dans l’espace, la géostratégie peut être regardée comme une tautologie.
Cette critique ontologique n’est nullement dépourvue d’intérêt et même elle nous permet d’entrevoir la nécessite d’un changement de l’approche strictement géométrique de la stratégie via la géographie.
Cette fascination pour l’espace s’explique par le caractère stable du milieu qui encourage les explications déterministes: la répétition d’événements historiques dans les mêmes lieux encourage la désignation de points clefs ou de voies naturelles d’invasion. Clausewitz lui-même a succombé à cette tentation mécaniste, avec sa célèbre loi d’usure de l’offensive au fur et à mesure de son avance.
Le problème actuel qui se fait de plus en plus pressant, c’est la nécessite de la gestion des éléments dynamiques qui n’entrent pas dans un cadre statique.
Ces explications déterministes ont comme toujours une valeur très limitée. Aucun facteur n’annihile complètement la liberté d’action des acteurs. L’espace n’est qu’un facteur parmi d’autres, il y a indétermination parce que les déterminants sont multiples.
Ces indéterminations qui sont fondamentales dans le cadre de la théorie des jeux, ne peuvent pas être éliminées par un discours dogmatique qui sous prétexte de ne pas en tenir compte, pense du même coup les gérer.
Sur un plan théorique, il faut rappeler que la puissance est un phénomène dynamique qui ne se fixe pas sur un centre statique. L’espace est un facteur de puissance virtuelle: il ne se transforme en moyen de puissance que s’il est utilisable.
Ce principe permet de mettre en exergue des différences essentielles dans les approches qui ne se basent pas exclusivement sur la notion de distance puisque désormais la puissance et l’impact peuvent être dilués sur des éléments à grande échelle.
Ces précautions épistémologiques ne doivent en aucun cas, conduire à sous-estimer l’influence du facteur spatial sur la stratégie. Simplement cette influence est souvent difficile à déterminer, dans la mesure où elle combine des éléments différents: topostratégie, physiostratégie, morphostratégie, météostratégie.
Dans notre cas, nous définissons la topostrategie de manière différente car celle-ci est pour ainsi dire un cas dégénère de l’élément spatial, alors qu’avec l’introduction de l’outil topologique, nous faisons d’elle un élément capable de détecter des hyperstructures.
La stratégie contemporaine est une stratégie intégrée dans laquelle l’élément terrestre et l’élément marin, longtemps dissociés sont dorénavant en interaction constante, du fait de l’intervention d’un troisième élément l’air, et de l’amphibie.
Cette possibilité multiple qui ne sépare plus les éléments de manière claire mais les traite comme un continuum dans l’espace-temps
La géographie militaire indiquait des positions à occuper, la géostratégie suggère des directions à suivre.
Quant à la topostrategie, elle donne sens à des schémas mentaux plus profonds qui agissent comme un substrat fondamental pour la stratégie.