13506 - Commentaires sur la première conférence du livre de Coutau Bégarie (avec P. Gazzano)

P. Gazzano, N. Lygeros

Le concept de stratégie est d’origine grecque, il correspond à un art de la guerre élaboré et à une parfaite compréhension du lien entre le politique et le militaire (Thucydide).

L’essence de la stratégie se trouve là, dans ce point isolé de l’Humanité et dans un concept que nous pourrions directement qualifier de géopolitique puisqu’il n’y a pas de ligne de partage entre le politique et le militaire, fait qui s’explique par le confinement de l’espace grec.

Après une longue éclipse, il réapparaît à la fin du XVIIIème siècle pour rendre compte de la complexité accrue de l’art de la guerre qui rend insuffisant le concept de tactique : la croissance des effectifs impose l’articulation divisionnaire, puis l’organisation de corps d’armée (guerres napoléoniennes), les groupes d’armes (première guerre mondiale) et enfin les théâtres d’opérations (seconde guerre mondiale).

La stratégie réapparaît pour répondre à une nécessité et non pour revivre à partir du concept initial. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle va se restreindre dans un cadre strictement militaire et se différencier de la tactique. Elle évolue par la suite pour s’adapter à l’évolution de la réalité militaire et en ce sens, elle ne correspond pas à un évolution théorique à proprement parler.

Le concept de stratégie s’impose au début du XIXème siècle avec Bülow et Jomini.

Cette fois, nous avons une véritable tentative de codification formelle mais toujours dans un cadre appliqué à l’action militaire. La notion effective de stratégiste est encore embryonnaire.

Il est alors strictement militaire. La conception commune l’identifie à l’art du commandement. Elle s’intéresse qu’à la mise en œuvre de moyens préalablement constitués. Elle est subordonnée à la politique de guerre.

Cette subordination qui semble naturelle, comporte néanmoins des implications importantes dans un cadre démocratique. Par contre, elle s’éloigne de la définition initiale.

Clausewitz introduit une mutation fondamentale en affirmant la dualité, politique et militaire de la stratégie. « On ne peut concevoir les moyens indépendamment de la fin ». Ses successeurs préfèrent en revenir à la conception militaire.

Clausewitz revient à Thucydide mais sans pouvoir convaincre les successeurs dans le domaine même s’il allait dans le bon sens.

Aucune définition ne peut prétendre englober tous les aspects d’une activité dont le domaine est immense. Au-delà de l’incertitude sur la définition de la stratégie, l’opinion commune s’accorde sur l’idée que la stratégie est le niveau le plus élevé de conduite d’un conflit. Apparaît ainsi le dualisme qui distingue la stratégie et la tactique.

Il faut comprendre cette mise au point en incorporant l’élément de la grande stratégie dans le terme stratégie.

La tactique est la rationalisation du combat en vue de substituer aux exploits individuels des guerriers l’effort collectif d’une armée soumise à une volonté unique. Elle exige de la discipline. La tactique est gouvernée par la loi du moindre effort. Celle-ci est strictement militaire et dirigée vers des objectifs immédiats. Elle est dépendante des moyens disponibles, elle se caractérise par le primat de la force.

Cette vision concrète, a le mérite de mettre la tactique au niveau le plus bas de la hiérarchie. Au dessus d’elle nous retrouvons l’élément opérationnel puis seulement la stratégie et la grande stratégie enfin dans le cadre classique qui pourrait être étendu par la suite via la stratégie diachronique et la stratégie de l’Humanité.

La stratégie opère en fonction des buts militaires finaux. Elle prépare et permet, en cas de victoire, le règlement final, mais elle ne conclut pas : la victoire militaire n’est qu’une fin intermédiaire, le stratège doit tenir compte des fins ultimes qui relèvent de la politique.

Dans ce cadre, nous retrouvons le concept d’intermédiaire entre le militaire et le politique. Mais le plus important, c’est encore l’absence d’une stratégie mentale qui permet d’aboutir à un objectif hors cadre strictement militaire.

Le vrai stratège voit au-delà des opérations en cours pour raisonner à l’horizon de la campagne ou de la guerre. Il fait la différence entre succès tactiques et victoires stratégique et saisit la double dimension, militaire et politique des problèmes auxquels il est confronté.

Pour aller au-delà le stratège doit être aussi stratégique sans cela sa vision est nécessairement à court terme.