13507 - Seconds commentaires sur la première conférence du livre de Coutau Bégarie. (P. Gazzano)
P. Gazzano, N. Lygeros
Le XXème a été caractérisé par une intensité croissante des conflits aboutissant successivement à : la guerre totale (négation du droit de la guerre), puis la guerre froide (négation de la distinction entre la paix et la guerre) et enfin aux conflits asymétriques (négation du monopole des états).
L’intensité des combats et les deux guerres mondiales ont rendu nécessaire l’évolution du concept de stratégie dans le sens de l’élévation dans l’échelle hiérarchique des catégories.
Ces mutations entraînent l’apparition de nouveaux concepts à partir de l’entre-deux-guerres : grande stratégie, stratégie générale, stratégie élargie, stratégie globale, stratégie nationale, stratégie totale, stratégie intégrale.
Cependant, il ne faudrait pas croire pour autant que cette hiérarchie est linéaire et totalement graduée car il est nécessaire de mettre ces entités dans un ensemble muni d’un ordre partiel.
Dorénavant le stratège n’est plus celui qui conduit les armées, mais celui qui coordonne les forces de toutes natures au service de la stratégie nationale ou totale. L’emploi de ces forces diversifiées requiert des doctrines de plus en plus raffinées dont l’annonce peut désormais avoir des effets concrets. Toute stratégie doit être justifiée.
Le stratège ne mène plus seulement une troupe compacte mais coordonne des éléments divers pour les faire converger vers le même but et ce, dans le cadre de la méta-stratégie qui possède une vision.
Conséquence logique, la dimension militaire n’est plus qu’une dimension parmi d’autres, d’où la tentation de généraliser la stratégie. La stratégie n’est plus que la politique en acte, voire n’importe quelle action rationnelle.
Dans ce sens, nous observons un paradoxe puisque l’élévation amène une dégénérescence du concept que d’autres tentent de récupérer en éparpillant son sens pour couvrir un spectre grandissant d’actions apparemment incompatibles.
Le résultat est une confusion extrême au plan des concepts : les économistes pratiquent la stratégie d’entreprise et les militaires la gestion des crises. On aboutit à des aberrations sémantiques. Il est donc nécessaire de retrouver l’essence de la stratégie, de lui rendre son véritable critère : comme l’économie est caractérisée par la recherche de la richesse, la politique du bien commun, la stratégie doit continuer à se reposer sur le conflit violent, sous peine de s’appliquer à n’importe quoi.
Cette vision va dans le sens de la fusion et de la réunification d’éléments disparates. Elle permet de rendre cohérent le tout et ce, pour le même objectif.
La stratégie est une dialectique des intelligences, employant la force pour résoudre leur conflit. Cette force peut être effectivement mise en œuvre ou virtuelle.
Dans cette dialectique, il y a la maïeutique pour mettre en exergue la stratégie qui n’a pas besoin d’épithète pour être comprise par l’ennemi.