13793 - L’adaptation théâtrale de L’étranger
N. Lygeros
L’adaptation théâtrale de l’étranger d’Albert est véritablement humaine, presque trop humaine sans doute pour la société. L’interprétation de Benjamin Ziziemsky est à l’image de l’écriture camusienne, claire, limpide, sombre et efficace. L’acteur ne rajoute rien de superflu. Il démontre la puissance de l’écriture camusienne en mettant en exergue les dialogues du texte original, en montrant via un minimalisme scénique, la singularité de Meursault dans l’univers rigide, implacable et finalement inhumain. Car l’absurde cette fois est mis en évidence par la succession de détails qui s’enchaînent sans possibilité d’en échapper. Ainsi l’interprétation de l’acteur devient une exégèse visuelle. Aussi il n’a pas besoin de nous persuader et il rend vraisemblable le vrai. Et chaque scène est un acte supplémentaire qui par son existence montre l’inexorable comme si l’accusé était né innocent. Nous découvrons à travers les gestes mais aussi les mimiques de Meursault, l’ensemble des personnages décrits dans l’espace camusien. Il ne s’agit nullement de caricatures mais véritablement de sa vision dans cet échange solitaire où l’homme face à lui-même devient un lieu de réflexion pour inciter les hommes qui l’observent à travers ces différentes visions en tentant de le percevoir de se mettre à sa place pour saisir cette signature humaine. Dans ce cadre, l’acteur, metteur en scène sans exagérations superfétatoires, exploite les jeux de lumière avec l’ambre et le bleu pour donner du relief à l’ombre d’une prison construite avant le crime comme s’il s’agissait d’un acte prémédité. Aussi dans l’enclave camusienne, il se révolte peu à peu pour exprimer une forme de l’amour même s’il n’en a pas le temps. Voilà pourquoi il recherche au moins une haine pour éviter l’indifférence. Car Benjamin Ziziemsky choisit ce mal pour éveiller l’humanité des hommes.