1383 - Le secret du jardin botanique

N. Lygeros

Le jardin botanique demeurait caché aux flâneurs qui ne prêtaient pas attention aux détails si précieux dans le passé. Ils marchaient sans s’approcher de son emplacement comme s’il n’avait jamais existé. Encore aujourd’hui son existence était contestée. Tout le monde connaissait le parc et sa légende mais personne ne croyait au jardin du moyen-âge. Cela provenait aussi de sa conception qui était une sorte d’hommage au dédale minoen. Refermé sur lui-même, il ne se laissait pénétrer que par le curieux ou l’érudit qui était parti à sa recherche dans cet immense parc. De l’extérieur, il ne payait pas de mine. Un étranger à son art pouvait aisément le qualifier d’inutile. Cela ne l’affectait pas. Le jardin prenait cela pour un compliment car il avait pris connaissance de la célèbre phrase de Cyrano de Bergerac. Il n’avait rien d’exubérant de l’intérieur rien qui ne fut digne de l’esprit de Rabelais. Cependant il possédait quelque chose de touchant à travers sa sobriété. C’était sans aucun doute le mot le plus juste. Il rappelait une alcôve même si tout était entièrement végétal. C’était en somme un oxymore. L’inconnu était passé par là. De cela, nous en étions certains. Attiré sans doute par le goût du paradoxe. Il s’était même assis dans ce jardin du Moyen-Âge. Il avait dû méditer. Non pour lui mais pour les autres. Il avait reconnu en cet endroit, le sanctuaire d’antan. Celui qui permettait de traverser le temps, celui qui permettait le voyage immobile. Il avait attendu l’apparition du maître sans pour autant l’espérer. L’attente avait duré des siècles. C’était le temps nécessaire. Il l’avait toujours su. Les formes s’étaient succédées pour atteindre la perfection. Inévitablement dans ce jardin d’antan le maître avait pris la forme d’une fleur. Cela lui permettait de demeurer inaccessible tout en étant visible. Il n’en avait pas fallu plus à l’inconnu pour comprendre sa présence. Sans échanger un seul mot, ils avaient traversé les siècles. Ensemble cette fois. Le maître indiquait les directions sans définir les sens. Et il fallut toute la perspicacité de l’inconnu pour le saisir sans le toucher car le maître l’avait touché sans le saisir. Toute autre personne n’aurait compris le message. Pourtant son symbole était omniprésent. Seulement qui d’autre que l’inconnu pouvait faire attention à une fleur dans un jardin botanique, dans un jardin du Moyen-Âge. Il ressemblait à toutes les fleurs mais aucune d’entre elles ne lui ressemblait. C’était ainsi que l’inconnu avait reconnu le maître. Toute la sagesse de ce dernier était devant lui dans la perfection du lotus. La rencontre avait eu lieu dans ce jardin. C’était tout ce que nous savions. Au milieu de cet immense parc la couleur de l’invisible s’était épanouie.