1451 - Clef chypriote et sublime Porte
N. Lygeros
Une analyse plus en profondeur dans le temps de la diplomatie permettrait aisément de voir le rôle de Chypre dans l’approche européenne sur la question orientale. Néanmoins cette analyse ne serait effective qu’ a posteriori aussi elle ne nous intéresse guère pour le moment puisqu’elle ne pourrait que confirmer l’état de la situation actuelle. Dans tous les cas, le problème chypriote n’est plus d’ordre local et cela lui permet d’évoluer via le cadre catalytique européen. Mais pour l’Union Européenne, le résultat le plus important c’est que le problème chypriote joue désormais un rôle clef. Dans ce jeu diplomatique entre David et Goliath, il s’avère à nouveau que pour lutter contre le problème de la porte, la solution est toujours la clef. Il n’est pas nécessaire, diplomatiquement parlant, d’affronter l’ensemble de la diplomatie de la Sublime Porte, il suffit de la coincer sur un point particulier. Bien sûr, cette façon de faire n’a rien de noble car il ne s’agit pas d’un affrontement direct. Seulement il ne faut pas oublier que ce candidat n’a rien de chevaleresque et que pour lui tout est permis comme le démontre son histoire en matière de droits de l’Homme. D’ailleurs l’exaspération aidant, la Turquie n’a pas manqué de signaler via son premier ministre qu’elle considérait comme une erreur l’entrée de Chypre dans l’Union Européenne. En réalité, cette remarque n’a rien de plus vrai pour la diplomatie turque mais non pour la pensée européenne. Car il s’agit aussi de notre dignité en tant qu’institution fondée sur les principes humains. Au fur et à mesure que s’écoule le temps de la diplomatie, la clef chypriote soutient de plus en plus d’éléments structurels qui se mettent en place afin d’obtenir le même résultat via une action convergente. Le problème de la reconnaissance considéré comme un simple corollaire du protocole, montre peu à peu l’ampleur de la divergence culturelle et conceptuelle entre la pensée européenne et la mentalité turque. Jugée comme un problème marginal, la situation de Chypre finit par envenimer celle de la Turquie qui est forcée de se rendre compte de l’erreur que représente pour elle son invasion de 1974, sa reconnaissance en 1983 de l’état de d’occupation qui est illégal selon les résolutions de l’ONU et la présence actuelle de son armée. Figée par l’appareil militaire qui représente l’ossature de sa structure, la Turquie se contente de répéter les mêmes arguments en vain. Sa situation n’a pas bougé et l’Union Européenne demeure fermée à la Sublime Porte en raison d’un problème de clef. Le problème chypriote si méconnu auparavant et méprisé par certaines forces politiques, s’avère à présent être une arme redoutable. Chypre remet en valeur des armes comme celle de la fronde dans un monde diplomatique qui ne tient compte que des effets de manche de systèmes stratégiques.