1487 - L’apport d’Artsakh
N. Lygeros
Cela peut paraître quelque peu paradoxal au premier abord mais pour les familles victimes du génocide des arméniens et pour les défenseurs des droits de l’homme qui luttent pour la reconnaissance du génocide, les combattants d’Artsakh constituent un exemple car ils ont montré que l’impossible n’est que provisoire. Ces combattants ont montré que les victimes peuvent résister, revendiquer leurs droits et avoir gain de cause. Basée sur le volontariat et non sur un engagement forcé, ainsi que sur l’organisation de structures locales dans un réseau global, la résistance arménienne d’Artsakh a montré la voie. Car avant de mettre en place une formation cohérente sur le plan militaire, il est nécessaire de passer par une restructuration au niveau mental. Le peuple arménien ne se définit pas seulement à partir du génocide qu’il a subi. Il n’est pas né peuple victime. C’est un peuple diachronique car sa culture, sa langue, ses traditions ont traversé les siècles. Et c’est pour cette raison que l’ennemi a cherché à l’éliminer mais en vain. Car le peuple arménien n’est pas que cela. Et les combattants d’Artsakh l’ont prouvé. Ils ont montré qu’une patrie perdue n’est perdue que lorsque son peuple la considère comme telle. L’ennemi ne peut le faire. Tout est à nous tant que nous ne l’abandonnons pas. Même les pogroms de Kirovabad et de Bakou n’ont pas réussi à anéantir la volonté arménienne. Les attaques de Stépanakert et de Chahoumian n’ont que confirmé la nécessité de la liberté. Et les sacrifices qui ont suivi pour lutter contre ces agressions n’ont été que révélateurs de la grandeur d’âme qui poussait les combattants arméniens à lutter même à un contre dix. S’il y a une cause à la force de ses combattants c’est sans aucun doute que les familles des génocidés ne sont pas seulement des âmes mortes. Le génocide par la force des choses a grandi la pensée arménienne. Car toutes ses victimes font partie désormais de ce que nous pourrions nommer l’arménité. Malgré et peut-être en raison du génocide, les victimes sont devenues des combattants comme si leur Hôki avait retrouvé la force du Vishap. Il ne faut donc pas voir dans la résistance des combattants arméniens un simple exemple de courage face à l’adversité. Il faut aussi voir le cheminement de la voie. Ce peuple qui a subi cet atroce génocide n’a pas fléchi. Il est encore debout. Il ne se contente pas d’être une victime que nous devons plaindre. Il a pris son avenir entre ses bras car il sait que l’ennemi a voulu le priver de son passé. Le peuple arménien n’est pas différent en raison du génocide. C’est le génocide qui constitue une évolution. S’il a subi ce crime contre l’humanité c’est en raison de son ontologie et celle-ci ne provient pas de ce crime. Par contre depuis le génocide, le peuple arménien a acquis une téléologie. Il doit désormais montrer l’exemple aux autres peuples via sa lutte pour la reconnaissance du génocide. Et dans ce cadre, l’apport des combattants d’Artsakh est fondamental puisqu’il explicite l’idée que tout est possible même pour des causes que tout le monde considère comme perdues.