1536 - Le génocide en tant que révélateur politique
N. Lygeros
Le paradoxe du génocide des Arméniens, c’est qu’il est révélateur de son avenir. Alors qu’il aurait pu être simplement contextuel et s’expliquer par l’analyse de la politique de l’époque, via la lutte pour sa reconnaissance il caractérise de manière indirecte la tactique diachronique orientale. Ainsi il est encore plus caractéristique puisque sa nature le maintient dans l’actualité bien des années après les évènements. Le génocide des Arméniens traverse l’histoire orientale et se renforce d’éléments nouveaux à partir des nouveaux massacres commis car ils tiennent compte du génocide soit pour le copier soit pour se différencier afin de ne pas être accusé de crime contre l’humanité. Il représente un point de référence dans le système de l’horreur orientale. Il y a un avant et un après le génocide car après plus jamais ne sera comme avant. Il est à la base de la construction orientale. Il n’est pas simplement une page noire de son histoire. Le livre bleu contient ces morceaux humains qui ont été exploités pour ériger l’un des pires états dans le domaine des droits de l’homme. Ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont été sacrifiés pour former le ciment de cet état autoritaire, ne peuvent résister qu’à travers notre combat pour la reconnaissance du génocide. Ces souvenirs de la maison des morts prennent corps et âme à travers cette lutte. Car ils ne sont plus anonymes. Ils ont un nom, une histoire, un passé et même un avenir à travers leurs descendants. Et c’est exactement cela le problème chronique du régime militaire qui est coupable. Car les atrocités commises au cours du génocide n’auraient jamais eu lieu sans l’organisation et l’action concertée de l’armée et du pouvoir en place. Cependant la non reconnaissance du génocide prouve que ce couple n’a pas encore cessé de fonctionner pour accomplir le même but à savoir effacer toute trace de l’existence du peuple arménien dans cette région du monde. Et pour cela tous les moyens sont permis. Comme dans certaines parties du territoire de l’Arménie historique, il n’y a plus que les pierres, le système s’en est pris à elles afin que plus personne ne puisse crier au génocide pas même les pierres comme le prédit le christianisme. Aussi notre rôle n’est pas seulement de lutter pour ce qui est une évidence mais pour transformer cette évidence en arme des droits de l’homme. Ces derniers, pour exister doivent vivre à travers des causes aussi grandes que celle de la reconnaissance du génocide des Arméniens. Seulement nous devons bien nous rendre compte que cette lutte va à l’encontre de l’entité orientale. C’est pour cette raison que nous observons une telle virulence officielle de la part de l’état. Cependant cette reconnaissance, même si elle appartient ontologiquement au domaine du droit humain, ne peut exister qu’au sens d’une problématique politique et même polémologique. La raison de cette double appartenance provient aussi de l’existence du peuple kurde qui subit à son tour les tortures orientales. Le territoire oriental malgré la volonté de l’état n’a pas encore oublié son histoire. Et cette histoire est encore tellement vivante au sein de la population que la moindre entrave à celle-ci devient un signe de rassemblement, un signe de révolte. L’état oriental se prétend invincible et tente d’influencer ses voisins à travers un dogme militaire très offensif. La réalité est tout autre. S’il craint à ce point le génocide et sa reconnaissance, c’est en raison des répercussions dans son territoire intérieur. L’état est contraint à la répression car son intérieur est creux. Le système qui craint l’implosion s’organise autour d’une politique étrangère offensive et impérialiste. Voilà ce que révèle la lutte pour la reconnaissance du génocide des Arméniens.