1553 - L’Arménie du lendemain
N. Lygeros
Les Arméniens et les spécialistes de la reconnaissance du génocide ne cessent de traiter des problèmes de l’Arménie d’hier et d’aujourd’hui mais sans nécessairement se concentrer sur l’Arménie du lendemain. Les problèmes du passé arménien sont tellement importants qu’ils finissent parfois par effacer les problèmes qui n’existent pas encore i.e. ceux de l’avenir. Pourtant l’Arménie du lendemain ressemble plus à celle du passé qu’à celle du présent. Le présent de l’Arménie ne doit être considéré que comme un intermédiaire. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un provisoire permanent. Certains Arméniens vivent avec la mémoire du passé, d’autres avec les acquis du présent. Cependant le peuple arménien comme tous les peuples qui ont traversé les âges, vit aussi dans le futur et c’est pour lui que nous devons nous battre de toutes nos forces.
Les revendications arméniennes doivent être actives et non passives car rien ne va de soi dans le domaine du droit international. Il ne suffit pas d’être patient, il faut aussi être combatif. Car les années à venir seront décisives pour la cause arménienne. Il s’agit d’un calendrier dynamique où beaucoup d’interventions efficaces sont possibles. Le problème de la reconnaissance du génocide des Arméniens demeure bien sûr le fer de lance de la cause arménienne car il est fédérateur. Cependant il doit être associé à d’autres types d’actions et ce, de manière concertée. Dans ce champ nous avons le statut de la langue arménienne, de la culture arménienne mais aussi de l’état arménien. Et dans ce cadre nous avons aussi les recours pour non jouissance de propriété que nous devons effectuer auprès de la Cour Européenne des droits de l’homme. Tout cela est nécessaire pour définir la notion d’arménité. S’il manque un de ces éléments, cette notion s’aliène et perd son sens.
Les difficultés ne sont que des épreuves que nous devons surmonter. En réalité, elles sont là pour nous aider à créer le futur de l’Arménie. Dans le domaine du droit international, rien n’est facile mais a priori tout est possible. La volonté par contre ne suffit pas. Dans l’état où se trouve la cause arménienne, la stratégie est nécessaire afin de défendre le faible contre le fort, afin de défendre la victime contre les bourreaux via l’œuvre du juste. Les négationnistes déplacent de plus en plus d’éléments, non seulement pour nier mais aussi pour désinformer. Aussi la voix du libre citoyen ne suffit pas, il faut la voie. Et celle-ci est plus difficile d’accès car elle parvient au sommet. Pour elle, le mont Ararat n’est pas seulement une image ou un film, mais un objectif stratégique.
Nous ne devons pas vivre dans nos souvenirs mais avec nos souvenirs. Ces derniers ne doivent pas être des prétextes pour ne rien faire. Au contraire, envisagés comme des données stratégiques, les souvenirs peuvent construire la structure mentale des guerriers de la paix. Même les anciens traités doivent servir de cibles pour l’ensemble de la stratégie à engendrer car c’est uniquement en les considérant de manière dynamique et non statique que nous pouvons les exploiter pour faire vivre l’Arménie de demain.