1575 - Nomologie et Histoire
N. Lygeros
Dans le cadre d’une approche conventionnelle de l’histoire, celle-ci peut être considérée comme un assemblage de faits. Aussi certains ne manquent pas de transformer cette caractéristique factuelle en propriété objective. Néanmoins, il serait naïf d’accepter de manière monolithique cette façon de faire, car ce serait faire abstraction du problème de l’interprétation. Il est préférable de voir en l’histoire, l’existence d’une structure ouverte, et donc non rigide par définition, qui permet des interprétations en raison de l’inévitable existence de la décontextualisation. Hors contexte tout est possible en matière d’interprétation. Car toute information n’est pas seulement information mais parfois désinformation. Ainsi un fait est un germe d’interprétations. Et en soi, tout est permis. Cependant si nous considérons deux faits, nous voyons apparaître le problème de la cohérence. Car même si tout est possible ponctuellement, avec deux éléments, toutes les interprétations ne sont pas possibles car certaines provoquent des incohérences. La cohérence permet la rigidification structurelle de l’assemblage factuel. Aussi même s’il n’est pas possible de juger un fait isolé, il est possible de rejeter un ensemble incohérent d’interprétations. Via la cohérence, le problème du traitement et du jugement de l’interprétation est naturel. C’est pour cette raison que le système cohérent de la variété d’interprétations de la structure ouverte des faits s’immerge dans le cadre nomologique. La nomologie n’apparaît donc pas seulement comme un droit d’interprétation mais comme un devoir de cohérence. Or le seul système institutionnel qui permette de créer le cadre juridique c’est celui du parlement – du moins au sein d’une démocratie parlementaire. Aussi c’est le parlement qui exécute l’acte nomologique. Face à un crime contre l’humanité ou un crime de guerre tels qu’ils existent dans le cadre du droit international, c’est au parlement de juger non pas de l’histoire mais de l’adéquation de la cohérence interprétative avec la structure juridique existante. De plus, si celle-ci est insuffisante pour gérer cette problématique, c’est à nouveau au parlement que revient le devoir de la modifier afin de la renforcer, de la mettre à jour et de lui permettre d’absorber les litiges possibles. Dans le cas spécifique du génocide, nous ne sommes pas hors contexte. Au contraire le problème de ce dernier appartient bien au cadre formel que nous avons décrit. Il n’est donc pas seulement naturel de juger que le parlement a un rôle à jouer mais nécessaire. L’action du parlement dans ce cas spécifique est une condition sine qua non pour la compatibilité des cadres juridiques. Il ne s’agit donc pas de juger l’ensemble des schémas mentaux qui constituent ce que nous appelons histoire mais de réfuter les falsifications qui sont d’origine politique et stratégique. La nomologie a beau exister sur le plan théorique néanmoins si elle n’est pas réalisée via l’acte parlementaire nous observons un phénomène de décohérence. Ainsi l’histoire sans le cadre nomologique n’est qu’un ensemble de faits et si nous voulons être objectifs nous ne pouvons les interpréter. Or celle-ci n’existe qu’à travers son interprétation d’où la nécessité de la nomologie.