1761 - Drôle de guerre

N. Lygeros

Le mémorial de Lyon prouve une fois de plus un schéma mental classique en stratégie. L’ennemi est dangereux tant qu’il n’est pas identifiable. Même dans le cadre d’un conflit, il est difficile de prévoir l’impact d’une petite guerre. Cette dernière, par nature non conventionnelle, peut frapper à des endroits imprévisibles. La cause arménienne a certes des ennemis héréditaires, mais elle a aussi des ennemis de circonstance et des ennemis opportunistes. En effet, l’inertie et le laxisme peuvent contribuer grandement à la modification des données locales. Ensuite, celles-ci peuvent être exploitées habilement par une structure à noyau dur qui n’a alors besoin que de montrer sa puissance sans la mettre véritablement en action. Par ailleurs, le fait que deux recours au tribunal n’aient eu aucune incidence sur la construction du mémorial pour le génocide des Arméniens, a quelque peu désactivé la vigilance des défenseurs des droits de l’homme, mais aussi des hommes politiques qui soutiennent le projet. Il a suffi d’une faille dans la déclaration de l’association responsable de la création du monument pour permettre l’activation de l’opportunisme. L’annulation de la permission de voirie pour une raison aussi triviale permet de mettre en avant le fait que tout doit être scrupuleusement vérifié lorsque le contexte est conflictuel ou peut le devenir. Nous devons désormais nous saisir de l’affaire, unir nos forces, éliminer nos divergences pour créer un mix stratégique. Il est nécessaire d’avoir une cellule de crise qui coordonne les actions à mener afin qu’elles convergent toutes dans le même sens, à savoir l’érection du mémorial. Il ne suffit plus de se contenter des solutions possibles, il faut traiter les problèmes réels et accepter l’état de siège. Nous ne pouvons plus nous contenter d’affirmer que nous sommes tous Arméniens, nous devons désormais le prouver. Nous avons la date butoir du 24 Avril et tout est encore possible. En stratégie, l’impossible n’est que provisoire. Nous n’avons pas à être consternés par l’action des ennemis de la cause arménienne. Au contraire, ce sont les obstacles à surmonter qui donnent de la valeur à une cause. La résistance n’a de sens que face à l’oppression. Les innocents et les justes se sont battus dans des circonstances extrêmes et inhumaines. Nous, nous n’avons que l’inertie de la société et l’opportunisme politique à combattre. Il ne faut donc pas nous laisser aller. Le projet du mémorial, par son existence, a montré que même les évidences et les truismes sont nécessaires lorsqu’il s’agit de mettre en avant une cause. A présent, cette guérilla mesquine prouve de manière irréfutable que rien n’est joué d’avance, pas même dans un pays démocratique comme la France. Ainsi nous réalisons que les utopies de la cause arménienne sont beaucoup plus proches que nous n’aurions pu l’imaginer quelques semaines auparavant. Les défenseurs des droits de l’homme ont été frappés par deux fois coup sur coup. Mais cela ne doit pas les affaiblir. Au contraire, cela prouve non seulement que leur action a un sens mais qu’elle est de plus nécessaire à tous. Car à travers le mémorial nous ne défendons pas seulement la cause arménienne mais ce que nous avons de plus cher à savoir l’humanité. A présent, notre humanisme doit devenir audacieux pour ne pas être écrasé par l’oubli et l’opportunisme.