1812 - Le Maître à Venise

N. Lygeros

La ville éternelle se mourait mais il en avait toujours été ainsi.
Dans cette quête de l’éphémère humain, elle avait dépassé toutes les autres.
Aussi le Maître accepta sur le champ de l’aider par tous les moyens.
Il se mit à ébaucher, à esquisser, à dessiner
Pour enfin créer l’impensable.
Le projet semblait dément, démesuré.
Seulement il s’agissait de Venise.
Seulement il s’agissait de la protéger des barbares.
Aussi rien ne devait être laissé au hasard.
Pas même la créativité du Maître.
Il se plia aux demandes des Vénitiens.
Elles étaient innombrables.
Ils étaient inquiets.
Il le savait, aussi il se taisait.
Patient, il attendait la fin afin de créer le commencement.
Ils étaient seuls à nouveau.
Leurs alliés les avaient une fois de plus abandonné.
Ils aimaient trop leur liberté, leur république.
Et à présent, ils en payaient le coût.
Le Maître prit la parole.
Il ne leur dit que quelques mots.
Incompréhensibles.
C’était ce qu’ils désiraient entendre.
Ce qu’ils comprenaient ne pouvait les sauver.
L’évasion ne pouvait venir que de l’incompréhensible.
Désormais, il serait avec eux.
Les Vénitiens furent soulagés.
La défense de la ville éternelle était encore possible.
Le Maître l’avait dit.
Le reste n’était que détails.
Ils lui procurèrent tout ce qu’il désirait pour échafauder ses plans.
Le Maître se retira.
Il aimait lui aussi cette ville
Car il aimait son indépendance
Son œuvre.
Il ferait tout son possible.
Seulement serait-ce suffisant pour lutter contre la barbarie.
Cela il ne le savait pas encore.
Ni les Vénitiens d’ailleurs.
Il se mit à l’œuvre.
Et la ville éternelle put continuer à mourir.