1931 - Transcription d’une lettre des archives d’Alexandre Carathéodory

N. Lygeros

Ce 10/22 Mars 1896.

Athènes.

Ma très chère Cassandra

Je suis on ne peut plus heureuse

de pouvoir t’adresser enfin

des félicitations. Ce n’est qu’hier

que j’ai appris par mes nièces

Antonopoulo, les fiancailles de ta

chère sœur Catherine et cette nou-

velle m’a beaucoup réjouie. Un

événement aussi heureux, change

le cours des idées de toute la jeu-

nesse et je pense qu’elle va répan-

dre un peu de gaité autour de

vous, ce qui ne peut que vous faire

plaisir. Je crois avoir vu le jeune

homme chez vous autrefois, mais en

tous cas je connais sa sœur et sa famille.

Je ne doute point que le choix de ta

charmante sœur, soit, en tous points,

heureux et qu’elle trouvera dans

son nouvel intérieur tout le bon-

heur qu’elle mérite par tant de

qualités. De nos jours il est très dif-

ficile de bien placer une jeune

fille surtout à cause de l’éducation

si soignée qu’elles reçoivent dans

nos familles. Enfin ! que le bon Dieu

fasse tout pour le mieux et que

le nouveau couple soit béni et

heureux. Je te prie de remettre l’

incluse à ta chère sœur avec toutes

mes tendresses. C’est par les jour-

naux que nous avons appris le re-

tour de mon cher frère au milieu

de vous. J’espère en Dieu qu’il est

arrivé en bonne santé et que le

mal qui l’a tant tourmenté dispa-

raîtra grâce à tous les bons soins dont

il sera entouré. Bien que le plaisir

de se sentir dans un cercle aussi

tendrement aimé, ne peut qu’avoir

une heureuse influence sur sa pré-

cieuse santé. Nous avons passé par

tant d’inquiétudes ! Que Dieu vous pro-

tège et vous épargne désormais

les anxiétés de ce genre ! Je te prie

de transmettre toutes mes tendresses

à mon bien cher frère ainsi que

toutes mes félicitations sur son ré-

tablissement. Encore une fois, que Dieu

veille sur vous ! Excuse-moi si je

ne vous écris pas plus souvent, mais

même le peu de lettres que je vous

adresse pour avoir de vos nouvelles

sont restées sans réponse et je ne

veux pas vous paraître importune.

Grâce à Dieu nous jouissons tous

d’une bonne santé, après un horrible

hiver et des indispositions de tous genres.

Lucie a été encore malade la semaine

dernière, mais elle s’est remise à

temps pour assister à l’ouverture du

Stadium. Comme grandeur et dis-

position, il ne laisse rien à désirer.

Malheureusement le temps a manqué

et ce n’est pas encore terminé mais

on espère que ce sera prêt pour Pâ-

ques, lorsque les étrangers arriveront.

On ne peut jamais se faire une idée

de l’immensité de cette enceinte,

si on ne l’a pas vue. Je te dirai seu-

lement qu’hier à l’ouverture plus de

17 mille personnes assistaient et cepen-

dant c’était presque vide. De toute façon

on voit admirablement et personne, même

ceux qui sont assis aux derniers degrés

ne peuvent se plaindre de ne pas voir.

Quelle œuvre admirable ! Je trouve que

rien que pour admirer le Stadium, cela

vaut la peine, lorsqu’on a les moyens,

de venir de très loin. Pour le reste

tout laissera à désirer, car ce n’est

pas facile de combiner de pareilles

fêtes, surtout après tout ce qu’on voit

à l’étranger ces derniers temps. Puis

l’argent manque et il ne faut pas

oublier que nous vivons dans un siècle

où tout s’obtient par les moyens pécu-

niaires et où les spectacles deviennent

une question de dépense. On a fait tout

ce qu’on a pu, mais ce n’est pas beau-

coup. Malheureusement le froid est

revenu ces derniers jours et les pauvres

athlètes souffrirons cruellement si

cela continue car ils sont si légère-

ment mis. Avec toutes nos indispositions

et nos obligations, j’ai très peu vu les

Phalériotes ces derniers temps. Sma-

ragda vient très rarement à Athènes.

Cela ne lui fait aucun plaisir et

Hélène a tant de monde à voir lors-

qu’elle se décide à quitter sa retraite

que nous n’avons pas pu nous ren-

contrer depuis presque deux semaines.

Enfin avec le beau temps nous re-

prendrons le chemin du Phalère et

notre recherche aussi. Que fait toute

la jeunesse autour de toi ? Anne

s’occupe-t-elle de son piano ? Je l’es-

père, car ce serait bien dommage de

le négliger du moment qu’elle joue

si bien. Dis-lui pour l’encourager que

Lucie s’occupe beaucoup de son

chant. Elle devait chanter ce soir

chez les Schlieman, mais malheureu-

sement, elle souffre un peu de sa

gorge et doit renoncer à se faire

entendre. Je le regrette, car elle a

une assez jolie voix et chante avec

beaucoup d’âme. Malheureusement

elle a très peu l’occasion d’entendre

de la musique ici. Nous n’avons pas

même un théâtre et cela la désespère

car elle aime la musique avec pas-

sion. Mes plus tendres baisers à toutes

les charmantes jeunes personnes qui

t’entourent. Je suppose qu’Euphrosyne

est enchantée du retour de son père

étant la Benjamine et pour cela même

ayant plus de droits à ses caresses.

Etienne est-il toujours auprès de vous ?

Je te prie de lui transmettre toutes

mes affectueuses amitiés, ainsi qu’à

ton cher frère qui a tous les droits à

notre reconnaissance. Lucie et Stefa-

ni vous baisent les mains et embrassent

leurs chers cousins et cousines.

Pour toi, ma chère Cassandra, après

t’avoir serré contre mon cœur

je t’envoie toutes mes tendresses

en me disant toujours ta toute

dévouée sœur et amie.

Marie

Constantin te baise les mains.