1992 - Transcription de la lettre de A. Carathéodory à Chryssidhys du 07/08/1885

N. Lygeros

                                           Samos. Le 7/19 Août 1885

Mon cher Chryssidhy.
Dans ma précédente lettre je vous
avais touché deux mots concernant le
Consul de Grèce Mr Stornanis. Depuis
les choses ont marché. Vous connaissez
mon caractère, je veux m’éviter des
embarras et les éviter pour les autres
aussi dans la mesure du possible.
Mais il est aussi des devoirs qui s’imposent
où je ne puis pas permettre qu’un
Consul étranger s’empare d’une
question quelconque pour s’en faire
une arme et agiter les esprits en in-
tervenant dans les affaires qui lui
sont complètement étrangères.


Je ne puis pas permettre que le
Consul se fasse chef de comité, qu’
il organise des pétitions, qu’il cherche
à entraîner les employes dans
le cercle de ses idées. Passe encore si
le Consul mettait dans ses manœuvres
la circonspection nécessaire dans ces
sortes d’agissement. Mais dernière-
ment il est allé trouver le Sénat
en Séance, il a même annoncé que
comme la communication qu’il
avait à faire avait une grande
importance, il désirait qu’on fit
mander un sénateur absent, et
celui-ci ayant été appelé, il a entamé
à fond la question de l’archevêque
parlant à tort et à travers de


choses et d’autres et enfin il a cher-
ché à arracher au Sénat une déclara-
tion que celui-ci s’est refusé à lui
donner en lui déclarant en revanche
qu’il n’entendait pas entrer avec lui
dans une pareille discussion .Bien
plus le Sénat s’est plaint offi-
ciellement auprès de moi de cette
attitude de Mr le Consul, et je n’
ai pu que lui donner raison. Il est
inutile de savoir si une démarche
aussi inconsidérée de Mr le Consul
est le résultat d’instructions qu’il
aurait reçues ou bien si elle est
due à sa propre initiative. Toujours
est-il que le Consul a eu conscience
de l’inconvenance de ce qu’il venait
de faire et il aurait fait répandre le bruit


qu’il doit être prochainement rem-
placé par Mr Philou Consul de
Grèce à Galatz. Inutile encore
une fois de rechercher si ce bruit
n’est qu’une manœuvre destinée
à nous endormir et à prévenir de
notre part la démarche qu’il
semble avoir craint de voir réalisée.
Celle-ci est toute indiquée. Et j’
adresse aujourd’hui même sous
ce pli à S.A. le Ministre de l’intérieur une demande formelle
de rappel. Les faits que je vous
expose ci-dessus et que j’ai relatés
dans mon rapport officiel sont
trop graves et trop patents
pour pouvoir être niés, dissimulés


ou atténués soit par la Légation
soit par le Gouvernement hellénique.
Je vous prie donc de vous occuper
d’urgence de cette affaire, car
maintenant, Monsieur le Consul
continue à se mêler indirectement
d’affaires qui ne le regardent pas.
Son remplacement ou sa suspension
immédiate sont absolument
nécessaires. Vous aurez donc la
bonté de parler dans ce sens
aussi bien à S.A. le Ministre
de l’Intérieur qu’à L.L.E.E. le
Ministre des Affaires Etrangères
et son Mustéchar.

                          Tout à vous

                          AlCarathéodory