2004 - Transcription de la lettre d’Alexandre Carathéodory du 09/10/1885. (Contrebande)

N. Lygeros

Samos. Le 9/21 Oct.1885

Mon cher Chryssidhy.

Vous trouverez ci-joint une lettre
pour S.E. le Ministre de l’Intérieur.
Dans cette lettre je me plains des traite-
men[t]s qu’on fait subir sur la côte
d’Anatolie vis-à-vis aux navires
Samiens sous prétexte de Contrebande
de tabac. Il y a un mois à peu près
on a fait subir un traitement barbare
à un capitaine. J’ai réclamé auprès
des autorités du Vilayet de Smyrne
mais je n’ai pas encore recu de
réponse. Cette fois-ci la chose est
plus grave car le capitaine qui a été
victime de ces actes arbitraires m’a

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apporté une attestation des autorités
locales certifiant les faits dont il
se plaint et que vous trouverez ci-jointe.
J’ai donc derechef réclamé auprès
des Autorités d’Aidine, néanmoins
j’ai pensé qu’il était bon de sollici-
ter de Csple [=Constantinople] des ordres pour que
les autorites suivent avec fruit
l’enquête que je demande.
Notez bien, et vous aurez soin
de relever ce point dans votre
conversation, que je ne prétends
pas laver les Samiens du reproche
de la contrebande du tabac. Je
sais que nous la faisons et que
nous en faisons même beaucoup.

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Mais la contrebande n’existe qu’
autant qu’elle est prouvée, qu’
autant que le contrebandier est
saisi sur le fait , en flagrant délit.
Or les bateaux de la régie ne
saisissent pas les contrebandiers, mais
bien des individus qui s’occupent
d’un tout autre commerce. Est
-ce mauvaise chance ? Y a-t-il
autre chose ? Ne pourrait-on
pas supposer p.e. [=peut-être] que les contrebandiers
s’arrangent avec les bateaux sur-
veillants et que ceux-ci pour
mieux cacher leur inefficacité
coupable tombent comme qui dirait
tout exprès sur des innocents ne fût

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que pour se faire reprocher leur
excès de zèle. Tout est possible.
Dans tous les cas ce qui est foncière-
ment inacceptable c’est que les
Koldjis s’arrogent le droit de faire
l’inspection des navires, hors de la
présence de toute autorité et même
du capitaine et de ses gens. Ils
peuvent alors dire tout ce qui leur
plaira, et à leur aise ils peuvent
enlever, comme dans ce cas-ci tout
l’argent du capitaine. Mais enfin
ce sont là des procédés que le gv [=gouvernement]
n’approuvera certainement pas.
Veuillez donc vous occuper de
cette affaire aussi.

Tout à vous

Al Carathéodory