21701 - Du Sahara occidental aux provinces du Sud

N. Lygeros

Pour comprendre la problématique du Sahara occidental et évoluer sur le plan de la terminologie afin d’utiliser l’expression provinces du Sud, il n’est pas nécessaire de prendre position de manière artificielle en pensant qu’il s’agit uniquement d’une approche politique, comme pourraient le penser même des Marocains. En effet, une approche historique est bien plus profonde car elle correspond à un point de vue chronostratégique qui est capable de soutenir une mémoire séculaire, sans être gênée par des événements seulement récents et extrêmement superficiels mais qui constituent la géopolitique de certains malgré l’absence d’épaisseur temporelle. Sans être obligé de savoir que ce que nous appelons le Maroc, via les Almoravides, a été conçu au XIème siècle grâce au ribat d’Abdallah Ibn Yasin, vers l’embouchure du fleuve Sénégal, sur l’île de Tidra, il est néanmoins possible de comprendre une idée générale à savoir que l’océan autant que le désert joue un rôle primordial dans la progression territoriale de l’histoire de cette tribu berbère.

En effet, sa conquête a toujours été à l’interface de ces deux entités. Ceci est absolument clair, en termes de topostratégie, puisque même à son apogée nous avons un espace connexe et compact sur le continent africain. D’ailleurs sa présence en Espagne a suivi le même schéma mental. Toujours au niveau africain, l’histoire du Maroc a commencé d’abord dans le Sahara occidental, donc dans le sud et seulement après dans le nord qui représente la restriction actuelle officielle.

Ainsi avec les dynasties des Marinides, des Wattassides et des Sadiens qui étaient à la tête du Maroc, selon les périodes l’étendue du territoire touchait aussi bien la partie sud proche du Sénégal qu’une importante portion du Sahara. Après la crise du XVIIème siècle, c’est finalement la dynastie alaouite qui prend le pouvoir avec Moulay Rachid qui réunit le pays et son frère qui le suit Moulay Ismaïl est parvenu à créer le makhzen en opposition au bled-es-Siba. Le Maroc n’a jamais été dominée par l’Empire ottoman, contrairement à l’Algérie comme le mentionne l’article premier du Traité de 1845. Sans oublier que c’est toujours la même dynastie qui se trouve sur le trône du Maroc. Nous avons donc une continuité depuis la Principauté de Tafilalet via l’Empire chérifien, jusqu’au Royaume du Maroc. Par la suite, en ce qui concerne la frontière entre le Maroc et l’Algérie, après le Traité de 1845, ce n’est qu’en 1952 que les régions de Tindouf et de Colomb Béchar sont intégrées aux départements français d’Algérie. Quant à la guerre des Sables d’octobre 1963, elle va aboutir à un cessez-le-feu avec une zone démilitarisée sur toute la frontière entre Figuig et Tindouf. Il faudra attendre 1976, avec les affrontements d’Amgala, pour voir une référence au Sahara occidental, alors que le Traité de 1972 en été indépendant. Avec cette approche globale, nous réalisons que le Sahara occidental appartient bien aux provinces du Sud, non pas seulement administrativement, mais historiquement. Aussi la terminologie n’est pas uniquement adaptée mais recouvre bien l’essence historique de cette terre des hommes entre l’océan et le désert.

Référence de la carte: Chaliand et Rageau : Géopolitique des empires, Arthaud 2010